Cinq étudiants français en journalisme ont découvert la façon infaillible pour faire parler d’eux dans les médias: ils ont critiqué Wikipedia!

Leur projet, suggéré et encadré par leur professeur, l’écrivain Pierre Assouline, consistait à introduire des erreurs dans des articles existants sur la version française de Wikipedia, et de voir combien de temps il faudrait avant que ces erreurs ne soient corrigées. « Notre conclusion, explique Béatrice Roman-Amat dans une entrevue audio diffusée par Le Monde, c’est que c’est un outil parmi d’autres, et qu’il ne faut pas du tout que ça supplante tous les autres outils d’accès à la connaissance. Mais qu’il est tout à fait possible de faire un usage intelligent de wikipedia. »

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Paroles modérées. Mais qui ne suffisent pas aux yeux de plusieurs « wikipédiens »: moins de 12 heures après sa mise en ligne, l’article de Libération consacré à cette recherche avait déjà suscité 122 commentaires, certains très virulents.

« Que les étudiants en science po fassent une étude sur les médias classiques, juste comme ça pour voir. A qui profite de décrédibiliser wiki? » « Ce qui repointe le bout de son groin, c’est la charge des institutions contre la liberté d’Internet. » « Le document ne prouve rien, sinon que les auteurs n’ont pas lu la documentation de wikipedia qui signale déjà les limites. »

Cette recherche n’a d’ailleurs pas été initiée par hasard par Pierre Assouline, qui enseigne à ces étudiants de cinquième année de l’école de journalisme de Sciences Po. Sur son blogue, le 9 janvier dernier, celui-ci critiquait l’article de Wikipedia consacré à l’affaire Dreyfus. Depuis, il y a eu des échanges qu’il qualifie “d’assez vifs” entre des wikipédiens et lui.

Mais d’autres gens des médias y ont pensé avant lui. Aux États-Unis, le cas le plus célèbre est celui d’un... humoriste! Stephen Colbert, qui parodie dans son émission de télé quotidienne (The Colbert Report) un animateur d’extrême-droite, a invité ses téléspectateurs à réécrire l’article « éléphants » dans Wikipedia, afin d’y prétendre que leur population a récemment triplé. Une façon, a-t-il dit, de river le caquet à ces damnés environnementalistes!

Au passage, la recherche intitulée La Révolution Wikipédia: les encyclopédies vont-elles mourir? s’attaque à l’étude de la revue Nature qui, à la fin de 2005, avait conclu qu’on trouvait autant d’erreurs dans 42 articles à teneur scientifique de Wikipedia que dans les 42 articles équivalents de... l’Encyclopaedia Britannica (voir ce texte). Cette étude de Nature ne serait pas représentative, conteste aujourd'hui Béatrice Roman-Amat, parce qu’elle ne concernait que des articles scientifiques, le domaine où Wikipedia serait à son meilleur. Or, rien ne permet d’étayer cette affirmation de la jeune chercheure de Sciences Po.

Ceci dit, il est exact que Wikipedia a été fréquemment pointée du doigt pour ses dérapages, mais l’étude arrive un peu tard: c’est depuis 2004 que les administrateurs de Wikipedia ont commencé à mettre en place différents systèmes de filtres par lesquels de nombreux sujets sont soumis à l’approbation d’un administrateur (comme l’article « éléphants ») avant que toute modification ne puisse être enregistrée.

Et Wikipedia lui-même n’a nullement pour vocation de remplacer les encyclopédies « traditionnelles ». « Wikipedia est le lieu idéal pour commencer votre recherche et obtenir une vision d’ensemble d’un sujet. Toutefois, ce n’est pas une source d’autorité. En fait, nous recommandons que les étudiants vérifient les faits avec d’autres sources. » Ces paroles ne sont pas celles d’un enseignant prudent, mais... de la porte-parole américaine de Wikipedia!

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