Deux visions se côtoient : la science pour faire avancer la connaissance et la science dite utile. Bien que les maîtres à penser comme Einstein y prétendaient et que les chercheurs d’aujourd’hui y croient, il n’existe encore aucun consensus officiel sur la responsabilité sociale des chercheurs.

« Le rôle des chercheurs est ambigu. Ils affirment ces deux grandes forces en même temps », expliquait Jean-François Sénéchal, doctorant en philosophie à l’Université Laval, lors du congrès annuel de l’ACFAS qui se tenait cette semaine à Québec. Ces deux axes ressortent autant chez les chercheurs dits classiques (Albert Einstein, James Watson et Jacques Testa) que contemporains (Axel Kahn, Louis-Marie Houdebine et Gilles-Éric Séralini). C’est en étudiant les livres de ces six chercheurs-penseurs que le philosophe identifie d’abord, comme l’une de leurs préoccupations, les devoirs envers l’humain – jouer un rôle bienfaisant au service du bien commun avec le savoir découlant de la recherche et de leurs découvertes, puis l’appel à la connaissance. Dans un élan passionnel de la vérité, ces chercheurs défendent à corps perdu leur liberté intellectuelle contre les contraintes tels l’État, l’industrie ou la tradition.

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« La société doit apprendre à ne pas intervenir dans cette recherche, rapporte le philosophe en citant Einstein. Le chercheur doit socialement être une sorte d’individualiste extrême, un homme qui ne doit respecter en théorie aucune autorité sinon son propre jugement, la vérité elle-même ou son propre jugement sur la vérité elle-même. » Puis vient la quête « du savoir pour le savoir ». Comme s’il s’agissait d’une religion, « les chercheurs deviennent même mystiques! », poursuit-il. Finalement, ils reconnaissent leur devoir d’intégrité, soit de ne pas falsifier les résultats et d’être en relation avec leurs collègues.

Même s’ils veulent être utiles, bienfaisants pour leurs semblables par leurs recherches, les scientifiques ont « curieusement de la difficulté à imaginer le lien qu’ils peuvent avoir dans la société. » Encore aujourd’hui, la science reste neutre, un outil qu’on peut utiliser à de bonnes ou mauvaises fins. « Comme si la question de responsabilité sociale se posait difficilement. Mais placés devant des sujets éthiquement discutables comme le financement de la physique par l’armée, ils comprennent qu’il s’agit là d’une activité déjà moralement orientée. » De là, la question à poser selon lui : « quelle orientation morale à donner à la science? »

Scruter le passé et étudier les chercheurs d’influence servira à mieux comprendre le présent selon Jean-François Sénéchal. « Pour savoir exactement comment les chercheurs se perçoivent aujourd’hui, il faudrait mener des sondages et des groupes de discussion avec eux », précise le philosophe qui soupçonne tout de même une continuité.

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