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Le rapport de la commission dirigée par Robert F. Kennedy Jr, destiné à orienter les politiques de santé des États-Unis concernant les enfants, cite des études qui n’existent pas et attribue à des scientifiques des conclusions qui ne sont pas les leurs.

Publié le 22 mai, ce rapport se présente comme étant au coeur de la stratégie de RFK: il est intitulé « The MAHA Report », en référence au slogan de celui qui est devenu le ministre de la Santé de Trump, Make America Healthy Again. Il contient des recommandations ciblant la santé des enfants, comme la lutte pour réduire l’obésité ou les maladies chroniques.

Certaines de ces recommandations auraient fait consensus sous n’importe quel gouvernement, et vont des additifs alimentaires jusqu’aux écrans. D’autres sont hautement controversées, comme une remise en question du calendrier de vaccination infantile. Le rapport s’appuie sur « plus de 500 références », a insisté le ministre. 

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Rejointe par le magazine en ligne NOTUS, l’épidémiologiste Katherine Keyes a été surprise d’apprendre qu’elle était citée dans ce rapport comme l’auteure principale d’une recherche sur l’anxiété chez les adolescents, parue dans la revue JAMA Pediatrics. Keyes étudie la santé mentale et les toxicomanies, mais n’a pas signé cette recherche. En fait, la recherche en question ne semble même pas exister; chose certaine, elle n’existe pas dans les archives de JAMA Pediatrics

Problème similaire avec l’experte en prévention du cancer Mariana Figueiro, de l’École de médecine Icahn: une de ses études —une vraie, celle-là— est citée à titre de preuve de l’impact sur le sommeil de la luminosité des écrans d’ordinateurs dans les chambres des enfants. Le problème est que l’étude porte sur les collégiens vivant dans les résidences étudiantes, et mesure la suppression de mélatonine et non le sommeil. « Nous avons d’autres articles sur ce sujet… mais encore une fois, aucun d’entre eux ne porte sur les enfants. »

Le pédiatre Harold J. Farber, cité comme étant derrière une recherche sur les abus de prescriptions dans les cas d’asthme, a confirmé à NOTUS n’avoir jamais écrit la recherche mentionnée et n’avoir jamais travaillé avec les autres auteurs cités. 

Dans un cas, découvert par le New York Times, il y a quatre erreurs dans la même référence: le rapport cite une recherche sur les publicités pour les médicaments vendus sous prescription, parue dans The Lancet en 2005. Le texte existe, mais il s’agit d’un texte d’opinion et non d’une étude, il est paru en 2000, pas dans The Lancet, et n’est pas signé par l’auteur cité. 

Confrontée par les journalistes le 29 mai, la porte-parole de la Maison-Blanche a blâmé des erreurs de mise en page. 

Des experts évoquent plutôt un rapport qui semble avoir été écrit, en tout ou en partie, par l’intelligence artificielle (IA): on connaît en effet la tendance des « agents conversationnels » à inventer des sources de toutes pièces. Outre cette mauvaise habitude —que plus de deux années de travail autour des applications comme ChatGPT n’ont pas réussi à éradiquer— l’expert en IA Yuan Luo, de l’Université Northwestern, mentionne comme signaux d’alarme autour de ce rapport « des trous dans les citations, des incohérences factuelles et des conclusions non pertinentes tirées de recherches prises au hasard ».

Interrogé par le quotidien USA Today, Ivan Oransky, co-fondateur du blogue Retraction Watch, qui traque les études retirées des archives des revues scientifiques pour cause d’inconduites ou d’erreurs factuelles, pointe lui aussi l’IA: tous les articles générés par l’IA « ont tendance à halluciner des références » dit-il, en référence au terme « hallucinations » employé abusivement par les informaticiens

Une version corrigée du rapport a été mise en ligne le 29 mai. 

Oransky et d’autres ont noté que ce rapport est apparu en même temps que RFK accusait les grandes revues scientifiques d’être « corrompues » et qu’il songeait à interdire aux scientiiques travaillant pour les agences gouvernementales d’y publier.

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