Une tempête solaire qui dévaste en 90 secondes les réseaux électriques de l’Est de l’Amérique du Nord. S’ensuit une panne totale d’électricité pendant plus d’un an. Catastrophe cosmique plausible, face à laquelle nos réseaux électriques seraient à ce point fragiles.

D’une part, personne ne sera étonné de l’apprendre, nous sommes extrêmement dépendants face à la technologie : sans électricité, ce ne sont pas seulement les lumières qui s’éteignent, c’est l’essence qui devient inaccessible, puisque les compagnies ne peuvent plus la pomper dans leurs réservoirs et que les camions ne peuvent donc plus approvisionner les stations-service.

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D’autre part, il y a ce que les astronomes appellent une bulle de plasma. Le Soleil éjecte en permanence des particules chargées électriquement et, quand il connaît des sursauts d’activité, il en éjecte en plus grande quantité. En 1989, une panne d’électricité qui avait frappé le Québec pendant neuf heures avait été causée par un sursaut d’activité solaire.

Mais une bulle de plasma suffisante pour causer la catastrophe décrite ci-haut, à quels intervalles cela se produit-il? Dans un rapport publié par l’Académie américaine des sciences, on prétend que le plus récent serait survenu en 1859 : c’est la plus grosse tempête solaire enregistrée depuis que de tels enregistrements existent, et elle est appelée l’événement Carrington. Du nom de l’astronome britannique Richard Carrington, qui avait alors décrit « deux taches de lumière blanche intense » émanant d’un groupe de taches solaires inhabituellement grandes.

Dans les jours qui avaient suivi, il y eut de nombreux témoignages d’aurores boréales exceptionnelles, même jusqu’à proximité de l’équateur. Le réseau de télégraphe alors naissant avait été perturbé.

C’est donc à ce genre d’événement que le rapport de l’Académie américaine des sciences, financé par la NASA, se demande très sérieusement ce qu’il resterait de nous, après son passage. Parce que nos réseaux électriques ne sont pas conçus pour résister à un tel « assaut »: ce ne serait pas seulement une coupure de courant de quelques heures, ce seraient des milliers de transformateurs grillés, en particulier les transformateurs qui forment les noeuds des réseaux d’approvisionnement électrique.

Et il faudrait plus d’un an pour les remplacer, parce que chaque installation nécessite une équipe spécialisée, et que les compagnies d’électricité n’ont pas beaucoup de ces équipes. Le New Scientist décrit un scénario du pire :

- un million d’Américains morts, à cause de l’absence de chauffage ou de soins dans les hôpitaux, ou bien parce qu’après quelques jours, faute d’électricité, la production de médicaments dans les usines du Nord-Est s’interrompt; - plus de soins de santé requérant de la technologie, parce qu’après quelques jours, les génératrices des hôpitaux sont toutes en panne d’essence; - plus d’eau courante dans les villes, puisque nos systèmes d’approvisionnement sont dépendants du réseau électrique; - plus de système d’épuration des eaux non plus, pour la même raison; - plus de livraisons dans les supermarchés, faute d’essence; - plus de trains ni de métro; - circulation automobile réduite aux situations d’urgence : les autorités, et en particulier l’armée, réussiraient probablement à pomper assez d’essence pour maintenir en fonction quelques véhicules pour effectuer des livraisons aux populations affamées ou malades, mais ne comptez plus sur votre voiture, ni sur les autobus; - plus de marchés financiers, d’échanges de devises et de capitaux à de grandes distances et bien sûr —la fin du monde— plus d’Internet.

« C’est exactement le contraire de ce que nous imaginons normalement comme désastre naturel », ajoute dans le New Scientist John Kappenman, analyste de l’énergie en Californie. « D’ordinaire, les pays les moins développés du monde sont les plus vulnérables, pas les régions les plus avancées technologiquement. »

Tout ça, c’est si la bulle de plasma frappe la Terre suivant un angle particulier. Quelques degrés plus à l’Est, et c’est l’Europe du Nord ou la Chine qui pourraient connaître ce scénario du pire. L’hémisphère Sud peut seul se considérer chanceux : en raison de l’orientation de la Terre par rapport au Soleil lors des moments les plus critiques —les équinoxes— et de la configuration du champ magnétique qui —jusqu’à un certain point— nous protège des sautes d’humeur du Soleil, les régions équatoriales ne peuvent pas être frappées de plein fouet.

Il existe des systèmes d’alerte. On pourrait imaginer, en théorie, que les satellites qui surveillent en permanence le Soleil, nous préviendraient avec 15 à 45 minutes d’avance. Mais encore faudrait-il que toutes les compagnies d’électricité d’Amérique du Nord aient le temps de tout mettre à « off » avant que le ciel ne leur tombe sur la tête.

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