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Si vous êtes un nord-américain plutôt conservateur, vous aimez de moins en moins la science. Et c’est un déclin en cours depuis 35 ans.

Contrairement à la croyance populaire, il n’y a pas toujours eu corrélation entre une attitude anti-science et, aux États-Unis, le fait d’être républicain: par exemple, notent depuis longtemps les politologues, les républicains furent, dans le passé, de grands défenseurs de l’environnement. Mais dans les années 1970, quelque chose s’est brisé —et ça se poursuit aujourd’hui. C’est la conclusion d’une recherche du sociologue Gordon Gauchat, de l’Université de Caroline du Nord, parue dans la dernière édition de l’American Sociological Review.

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Sa recherche, écrit-il, valide au passage les sciences de la communication qui attaquent l'idée selon laquelle il suffirait de communiquer efficacement des connaissances scientifiques pour qu’une personne «comprenne» (le modèle du déficit»). Alors que la réalité révèle plutôt que certains groupes seront fermés à tout argument scientifique.

Ou plus exactement, de plus en plus fermés: depuis 1974, la confiance des républicains en la science a baissé de 25%, tandis que celle des démocrates est restée stable, et que celle des «modérés» a d’abord fluctué, puis est restée stable depuis 30 ans, bien qu’à un niveau moins élevé.

Il ne s’agirait donc pas d’une méfiance de l’ensemble de la population face à la science:

Cette étude montre que la confiance du public en la science n’a pas décliné depuis les années 1970, sauf parmi les conservateurs et parmi ceux qui fréquentent régulièrement l’église. (...) Les résultats (ne soutiennent pas) la thèse de l’aliénation, qui prédit un déclin uniforme de la confiance du public envers la science.

Que s’est-il passé au milieu des années 1970? Le sociologue ne s’avance pas sur ce terrain, mais s’il a choisi ce point de départ, c’est parce qu’il s’agit du moment où on commence à mesurer dans les sondages un changement d’orientation dans les mouvements conservateurs américains (et, avec plusieurs années de décalage, canadiens), qui conduira à l’élection de Ronald Reagan en 1980, puis à une période, dans laquelle nous vivons encore, caractérisée par un désengagement de l’État.

Le journaliste Chris Mooney, qui avait analysé cette attitude anti-science en 2005, dans son livre The Republican War on Science , résume ce changement d’orientation historique ainsi:

... la croissance du mouvement conservateur moderne, son besoin d’apaiser ses principaux groupes d’intérêt et électeurs (Amérique corporative, chrétiens conservateurs), son besoin d’avoir ses propres réseaux alternatifs d’experts et de journalistes (think tanks, Fox [News], [Rush] Limbaugh)...

Gauchat note également que les gens qui penchent politiquement à gauche, sont désormais beaucoup plus nombreux à détenir un diplôme universitaire que ceux de droite. Cet écart s’intensifie-t-il parce que les gens qui penchent à droite sont plus méfiants envers la science, ou ces gens sont-ils plus méfiants envers la science parce qu’ils sont moins nombreux à aller à l’université?

On ignore qui a été l’oeuf et la poule, mais la conséquence de cette évolution semble être que le fossé entre les deux groupes s’élargit et se nourrit de lui-même: d’où des débats de plus en plus polarisés, et cette difficulté croissante à trouver des terrains d’entente —ce qu’on constate aussi au Canada.

D’autres recherches ont ainsi déjà démontré que si vous êtes républicain aux États-Unis, vous avez non seulement plus de chances de ne pas croire au réchauffement climatique... mais vos convictions seront encore plus fortes si vous êtes allé à l’université! Dans les mots du sociologue:

Ceci implique que des conservateurs scolarisés ou très informés auront des hyper-opinions sur la science, parce qu’ils ont une emprise plus sophistiquée sur le type de connaissance qui se conforme à leur position idéologique (...) et ils préféreront croire en ce qui soutient leur idéologie. Ainsi, contrairement à la sagesse conventionnelle et au modèle du déficit (...) les conservateurs scolarisés montreront un niveau de méfiance plus élevé que les conservateurs peu scolarisés.

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