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Despotisme ou démocratie? Ce dilemme, bien connu des humains, ne serait pas leur apanage. Les primates le connaissent aussi, comme le démontrent les travaux d’Odile Petit, directrice de recherche à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien de l’Université de Strasbourg. Celle-ci présentait quelques-unes de ses découvertes lors d’une récente conférence au Cœur des sciences de l’UQÀM.

Les primates ont compris depuis longtemps l’intérêt de se regrouper. La force du nombre augmente la résistance aux prédateurs, les capacités de recherche alimentaire et les opportunités de reproduction. Mais la vie de groupe a les défauts de ses qualités. Elle augmente le risque de maladies, suscite la compétition et oblige à tenir compte de la volonté des autres. Dans un tel contexte, comment décider?

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«L’idée que les primates suivent un dominant qui leur impose ses volontés est un mythe, soutient Odile Petit. Les processus de décision sont beaucoup plus nuancés que cela, et s’ancrent dans le système social.» La chercheuse a comparé la prise de décision chez les Macaques de Tonkean, dont le système social est plutôt égalitaire, et chez les Macaques rhésus, dont l’organisation sociale est beaucoup plus hiérarchisée.

Qui m’aime me suive!

La chercheuse a observé comment un groupe de primates décide de se déplacer d’un point de repos, vers un point d’alimentation. L’originalité de la démarche tient à l’attention portée au moment précédant le départ. «Nous avons décelé des comportements préliminaires, explique-t-elle. Certains singes avançaient de quelques mètres dans une direction, regardaient vers le groupe, puis refaisaient quelques pas dans la même direction, jusqu’à ce que d’autres singes se joignent à eux et que le groupe se mette en chemin.»

Lorsque deux singes invitent le groupe vers deux directions différentes, celui-ci a une méthode simple pour trancher. «C’est le nombre d’individus choisissant chaque direction qui fait la différence, un peu comme un vote! Il suffit qu’un sous-groupe compte un seul singe de plus, pour que l’autre se rallie».

Chez les Macaques de Tonkean, la majorité des singes peut initier un départ, et tous ont une chance d’être suivis par les autres. Il n’en va pas de même chez les Macaques rhésus. Seuls les adultes peuvent proposer une destination, et leur succès sera facteur de leur dominance et de leur âge. Même différence pendant le déplacement: les Macaques de Tonkean s’avancent sans hiérarchie apparente, alors que chez les Macaques rhésus, les dominants marchent devant, suivis de leur parenté, et les dominés ferment la marche.

Des avantages évolutifs

Conclusion? Pour la chercheuse, cela laisse penser qu’il y a un lien entre le style de société et le style de leadership. D’une société très hiérarchisée émergera un leadership plus despotique, alors que dans une société égalitaire, les prises de décision seront plus démocratiques.

Pour ce qui est des avantages évolutifs de l’un ou l’autre système, ils sont partagés. En se fiant à un nombre très restreint d’individus, on augmente les risques de prendre une mauvaise décision, puisque l’on se prive de l’expérience des autres membres du groupe. Mais un processus plus démocratique est plus lent. Il faut donc faire un compromis entre les deux. Chez les humains, on a appelé ce compromis… la démocratie représentative!

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