Point d’origine des rumeurs: ni un communiqué de presse, ni même l’annonce d’une annonce, mais une simple phrase de John Grotzinger, scientifique en chef de Curiosity, dans une entrevue à la radio NPR. Cette découverte, a-t-il dit, «va entrer dans les livres d’histoire».
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Le problème, c’est qu’il pourrait s’écouler d’interminables semaines —au moins deux— avant qu’on en sache plus, le temps, peut-être, de demander à Curiosity de refaire ses devoirs. Découverte atmosphérique? Davantage de méthane dans l’air serait déjà très gros, annonciateur d'une source biologique. Découverte géologique? Peut-être Curiosity a-t-elle senti des soubresauts témoignant que Mars vit encore une activité sismique ou volcanique (et Grotzinger est géologue). Découverte chimique? Peut-être de l’eau qui aurait coulé récemment dans le coin, et non pas il y a 1 ou 2 milliards d’années.
Mais découverte d’un Martien bien vivant? Peu probable. Ne serait-ce que parce que Curiosity n’est pas équipé pour détecter directement de la vie. Reste la deuxième chose la plus excitante: des molécules organiques. Explication en six points.
Déjà vu
1) Une molécule organique n’est pas de la vie, mais une brique nécessaire à la vie. Le carbone est le point de départ indispensable, pour toutes les formes de vie sur Terre.
2) Du matériel organique a souvent été identifié dans des météorites et des comètes. Ce qui signifie que des tonnes de molécules organiques arrivent sur Mars chaque année. Le problème, c’est ce qui se passe ensuite: ces molécules sont-elles désagrégées par les conditions hostiles régnant sur Mars, ou s’accumulent-elles dans l’attente que des conditions favorables ne soient réunies ?
3) Dans une étude parue dans Science en juin dernier, des géophysiciens, géologues et chimistes de cinq pays écrivaient —la chose est encore contestée— que dans la plupart des météorites d’origine martienne où avait été identifié du matériel organique, celui-ci était originaire de Mars. Si cela se confirme, on pourra dire que ces scientifiques ont déjà trouvé des molécules organiques martiennes, sans même avoir à aller sur Mars.
4) Bémol: ces molécules organiques ne sont pas nées d’un être vivant.
5) Autre bémol: dès 1976, la sonde américaine Viking avait obtenu des résultats mitigés sur la présence possible de molécules organiques dans le sol. Les experts continuent d’en débattre, 35 ans plus tard.
6) En 2008, la sonde américaine Phoenix avait identifié dans le sol martien une pièce importante du casse-tête: le perchlorate. Cette molécule pourrait dormir aux côtés de molécules organiques pendant des millions d’années sans leur nuire, mais aussitôt que le sol est réchauffé, elle les détruit. Or, Phoenix, comme Curiosity, réchauffent leurs échantillons de sol pour essayer d’en dévoiler les secrets.
Vapeurs de poussière
La découverte de Curiosity, quelle qu’elle soit, proviendrait de son instrument SAM, pour Sample Analysis at Mars, ce qui permet déjà d’éliminer l’hypothèse du bunker souterrain et de la pieuvre à 18 tentacules. SAM est un laboratoire miniature qui peut vaporiser de la poussière et des cailloux pour humer les éléments chimiques qui s’en échappent. S’il s’en échappe du carbone, de l’oxygène et de l’azote —c’est déjà suffisant pour exciter les biologistes, et encore davantage les géologues qui n’en demandaient pas tant.
Wired révélait dans l’après-midi du 21 novembre que Grotzinger leur aurait dit, dans un courriel, qu’une conférence de presse serait organisée par la NASA lors du congrès annuel de l’Union géophysique américaine, qui a lieu à San Francisco du 3 au 7 décembre. Ça laisse du temps pour spéculer.