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Si le clonage permettait de ressusciter des espèces disparues, faudrait-il le faire? Comment résister à la tentation d’aller voir un mammouth dans un zoo près de chez vous?

Le mammouth est en tête de liste parce que pour cloner le représentant d’une espèce disparue, encore faut-il que celle-ci soit disparue il y a tout au plus 10 000 ans: au-delà de cette limite, votre ADN n’est plus valable. Sont donc perdus dans les brumes du passé, les dinosaures du Parc jurassique —mais pas les mammouths, puisque leurs derniers représentants piétinaient les neiges de Sibérie il y a 3500 ans.

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L’hypothèse, en apparence fantaisiste il y a quelques années encore, semble donc de plus en plus à la portée des généticiens et des spécialistes de la reproduction —avec l’aide d’une mère porteuse éléphante. En 2008, une équipe annonçait avoir complété le séquençage partiel du génome d’un mammouth.

Par ailleurs, il n’y a pas que cette grosse bête laineuse: parmi les autres candidats sélectionnés par le projet «Revivre et restaurer», on retrouve le tigre de Tasmanie, le pigeon migrateur et un papillon bleu appelé le Glaucopsyche xerces .

Mais est-ce parce qu’on peut le faire qu’il faut le faire? Le sujet se trouve cette semaine à l’ordre du jour en raison d’un symposium sur la «désextinction», tenu le 15 mars sous l’égide de nul autre que le National Geographic.

Parmi les partisans venus prononcer une conférence: le biologiste de l’évolution Mike Archer, pour qui «ressusciter» des espèces disparues n’est rien de moins qu’un devoir, afin de «restaurer l’équilibre de la nature que nous avons bouleversé».

L’importance de l’événement et toute la publicité dont le National Geographic l’a entouré n’ont pourtant pas convaincu les sceptiques. Parmi eux, l’auteure Hannah Waters qui, dans le Scientific American, juge l’attitude d’un Mike Archer anthropocentrique, c’est-à-dire développée comme si l’humain était au centre de tout. Non seulement les écosystèmes changent-ils constamment mais en plus:

Nous avons choisi une date plutôt arbitraire... Le moment où des gens ont commencé à prêter attention à la nature. Les seules espèces que nous sommes capables de ressusciter sont celles dont nous savons qu’elles sont disparues, celles assez grandes et répandues pour avoir laissé des fossiles, et celles que nous avons observées.

Le professeur en écologie de la conservation Stuart Pimm abonde dans le même sens, en craignant que les efforts (et l’argent) nécessaires pour faire renaître une seule espèce «charismatique» ne grugent les maigres ressources disponibles pour sauver des espèces encore bien vivantes.

Le paléontologue et blogueur Brian Switek ajoute même une dimension morale: si l’habitat qui permettait à une espèce de survivre n’existe plus, à quoi bon faire renaître une poignée d’individus qui ne pourront jamais vivre en-dehors d’un lieu clôturé?

Et encore, dans le cas des mammouths, un habitat singulièrement difficile à reproduire:

Essayer de reproduire l’ère glaciaire n’a pas beaucoup de sens alors que notre espèce dirige la planète vers un effet de serre.

L’argument moral risque toutefois d’être de peu de poids face aux mécènes d’ores et déjà prêts à financer le projet «Revivre et restaurer», et convaincus que des millions de familles seront prêtes à payer leur billet d’entrée, rien que pour voir un mammouth vivant.

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