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Tandis que l’on met la touche finale aux stades qui accueilleront les matches de la Coupe du monde de soccer au Brésil, les cas de dengue se multiplient dans plusieurs villes du pays.

Le virus potentiellement mortel est transmis d’une personne à une autre par un moustique, et cause des excès de fièvre et des douleurs musculaires. Un article, publié récemment dans la revue scientifique Nature , mettait les visiteurs en garde contre la dengue au Brésil, au moment même où plusieurs consulats recommandent aussi aux voyageurs de prendre les précautions nécessaires contre les piqûres de moustiques.

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Mais les autorités sanitaires du Brésil, qui ont recensé un million et demi de cas de dengue l’année dernière, pourraient bientôt compter un nouvel allié dans leur combat contre cette maladie. Le pays a récemment approuvé l’utilisation d’un moustique génétiquement modifié qui permet d’anéantir la population d’Aedes aegypti, principal vecteur de la dengue en milieu urbain.

Le moustique, développé par l’entreprise britannique Oxitec, dispose d’un gène qui le rend dépendant à un antibiotique. Lorsqu’il est élevé en laboratoire, l’ajout de tétracycline au processus de développement lui permet d’arriver à maturité. Mais une fois dans la nature, les larves que ce moustique génère, en s’accouplant avec des spécimens sauvages, meurent avant de devenir viables.

Comme ils ne piquent pas, seuls les insectes mâles sont relâchés dans la nature. En procréant avec les femelles sauvages, ils freinent ainsi la croissance de la population de moustiques. Mais pour atteindre cet objectif, les moustiques génétiquement modifiés doivent être de dix à cent fois plus nombreux que les insectes sauvages.

Un insecticide vivant

Lors d’une première phase d’expérimentation, la libération de moustiques génétiquement modifiés dans deux quartiers d’une ville du nord-est du Brésil a donné des résultats encourageants. Selon les conclusions du programme de recherche que coordonne la professeure de biologie moléculaire de l’Université de São Paulo, Margareth Capurro, l’introduction du moustique génétiquement modifié a éliminé 86% des moustiques Aedes aegypti sauvages dans le premier quartier et 100% dans le second.

«Nous menons actuellement la deuxième phase des recherches pour déterminer l’impact de la libération de moustiques génétiquement modifiés dans une ville entière», explique la chercheuse. «Nous voulons réduire la population de moustiques sauvages dans un premier temps pour ensuite examiner l’effet sur la transmission de la dengue.»

Car même si les autorités brésiliennes ont approuvé le moustique génétiquement modifié, rien ne prouve qu’il soit efficace pour réduire le nombre de cas de fièvre dengue. «De façon générale, on estime que si l’on contrôle le moustique de la dengue, cela aidera à contrôler la maladie, mais dans les faits, nous ne prétendons pas en réduire les cas», précise le directeur du développement commercial d’Oxitec, Glen Slade.

Loin du remède miracle

À Campinas, une ville située à une heure et demie de route de São Paulo, les autorités ont récemment demandé l’aide de l’armée pour contenir une épidémie de dengue sans précédent. Des soldats ont accompagné des équipes de la Ville lors de visites dans les quartiers les plus touchés. Ils ont aidé, entre autres, à sceller les réservoirs d’eau qui constituent d’excellents nids pour les moustiques.

Pour le biologiste et professeur à l’Université fédérale de Sao Carlos, José Maria Ferraz, ce genre de mesures préventives, combinées à l’épandage d’insecticides, est crucial pour contrôler la population de moustiques. «[Le moustique génétiquement modifié] peut créer l’illusion que le problème est réglé, et ainsi faire en sorte que les gens vont abandonner les mesures courantes qui peuvent résoudre une bonne partie du problème lorsqu’elles sont bien mises en œuvre.»

L’élimination du moustique Aedes aegypti pourrait également laisser, selon lui, le champ libre à l’invasion d’une autre espèce de moustique qui transmet lui aussi la dengue. L’Aedes albopictus préfère les environnements boisés, mais il pourrait très bien s’adapter à la niche écologique urbaine de l’Aedes aegypti si ce dernier disparaissait, avance le chercheur.

Margareth Capurro se montre de son côté plus rassurante: les chances qu’un autre moustique transmetteur de dengue prenne la place du Aedes aegypti sont minimes. «Si on prenait des paris sur cette question, je gagerais que ça ne va rien changer», affirme la chercheuse qui étudie les moustiques depuis une vingtaine d'années.

À quelques semaines du début de la Coupe du monde de la FIFA, le moustique d’Oxitec doit encore remplir quelques formalités avant d’être mis en marché. L’entreprise espère toutefois commencer à vendre ses moustiques aux municipalités brésiliennes au cours des prochains mois.

Pour les amateurs de soccer qui feront le voyage au Brésil, prendre les précautions nécessaires contre les piqûres de moustiques, comme le port de vêtements longs et l'utilisation d'un chasse-moustique, demeure encore la meilleure façon d’éviter que la fièvre du soccer ne se transforme en fièvre dengue.

Journaliste indépendant et polyvalent, Jean-Pierre Bastien effectue des allers-retours entre Montréal et l’Amérique du Sud depuis qu’il a mis les pieds en Argentine en 2005. Titulaire d’un baccalauréat en journalisme et d’une maîtrise en études latino-américaines, il a pratiqué le journalisme en Colombie, en Bolivie, en Équateur et au Pérou avant de s’établir définitivement à Rio de Janeiro, au Brésil. Son reportage «Lithium bolivien, l’or du 21e siècle?», diffusé à la radio de Radio-Canada, a remporté le Grand prix du journalisme indépendant dans la catégorie reportage multimédia en 2013.

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