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En 2003, une épidémie appelée SRAS provoquait une réaction internationale d’une ampleur jamais vue face à un nouveau virus. En 2014 au contraire, la lenteur de la réaction à Ebola est dénoncée pratiquement chaque jour par l’Organisation mondiale de la santé et les médecins sur le terrain. La différence? Ebola est en Afrique.

Écrivant dans le Washington Post le 25 août, deux chercheuses en sciences sociales y voyaient «cette longue tradition de traiter l’Afrique comme un endroit sale, infesté de maladies». Renchérissant cette semaine dans le Scientific American , l’infectiologue Judy Stone fait un parallèle avec le scandale qui avait suivi l’ouragan Katrina en Louisiane, en 2005 : la lenteur de la réaction des autorités américaines avait révélé un gouffre béant entre le sort des riches (épargnés) et des pauvres (laissés à eux-mêmes).

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De même, écrit Stone, Ebola «tue surtout des pauvres, qui sont des gens de couleur ». Et leurs morts «ne menacent pas les économies de pays riches», comme c’était le cas avec le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) il y a 11 ans.

Les responsables de la santé publique ne peuvent pas prétendre qu’Ebola a pris tout le monde par surprise. Médecins sans frontières tire la sonnette d’alarme sur la possibilité d’une épidémie «sans précédent» depuis le mois de mars. Les médias ont commencé à en parler régulièrement en mai. La semaine dernière pourtant, des responsables de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) soulignaient encore une fois le manque d’argent, dans le cadre d’un reportage du New York Times :

Ses unités de réponse aux urgences et aux pandémies ont vu leurs budgets coupés, des vétérans des précédentes luttes contre l’Ebola et d’autres maladies ont quitté, et quantité de postes ont été éliminés —précisément le genre de gens qui auraient pu aider à contenir cette pandémie avant qu’elle ne se transforme en la pire épidémie d’Ebola jamais connue.

Au début de septembre, la présidente de Médecins sans frontières, s’adressant à un comité spécial des Nations Unies, dénonçait encore la lenteur à réagir de la communauté internationale :

Six mois plus tard, le monde est en train de perdre la bataille. Les chefs d’État ont failli à réagir à cette menace transnationale. L’annonce de l’OMS, le 8 août, que l’épidémie constituait «une urgence de santé publique d’intérêt international» n’a conduit à aucune action décisive et les États ont essentiellement joint une coalition mondiale de l’inaction.

Toute la différence du monde, note Judy Stone, avec le SRAS en 2003, qui avait frappé en Chine, à Singapour, à Hong Kong et même à Toronto, et dont le décodage du génome avait généré un travail collaboratif international si fort qu’il en avait été salué en éditorial par le New England Journal of Medicine. Cette fois, c’est plutôt à un éditorial de Nature intitulé «Time to act» qu’on a eu droit.

Après avoir accordé une attention disproportionnée aux risques négligeables d’Ebola dans les pays occidentaux et asiatiques, les projecteurs semblent enfin se tourner vers des façons d’arrêter l’épidémie en Afrique de l’Ouest. La triste réalité est que les organisations médicales sont en difficulté : le flot de nouveaux cas dépasse de loin les lits disponibles et les centres de traitement. La plupart de ceux qui sont malades ne reçoivent pas les soins de base qui pourraient les maintenir en vie.

Pendant que d’aucuns croient en effet qu’il faut attendre l’arrivée d’un vaccin ou d’un sérum, on oublie qu’une meilleure circulation de l’information est déjà à elle seule capable d’arrêter la progression de l’épidémie dans une communauté (rapide isolement des malades, modification des pratiques funéraires); que la distribution à grande échelle de masques et de gants peut faire la différence entre la vie et la mort des travailleurs de la santé et des aidants familiaux; et que des médicaments moins coûteux sont peut-être déjà dans les pharmacies, pour au moins traiter l’infection, à défaut de l’éliminer.

En attendant, l’épidémie avait fait plus de 2100 morts le 8 septembre, dans quatre pays. Alors que l’OMS parle à présent d’un délai de «six à neuf mois» pour en venir à bout, au Libéria seulement, 79 travailleurs de la santé sont déjà morts. Dans un pays de 4,4 millions d’habitants dont l’infrastructure sanitaire n’était déjà pas solide, c’est une perte qui n’annonce pas des lendemains faciles.

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