L'Américaine Vani Hari, plus connue sous son nom de blogueuse The Food Babe, a laissé son emploi de consultante financière il y a trois ans pour devenir un phénomène médiatique: grâce à son blogue, elle est régulièrement interviewée dans la presse écrite ou électronique, elle donne des conférences, elle vient de publier son premier livre, et elle prépare un projet d’émission de télé.
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Mais si elle a autant de succès, c’est aussi parce qu’une armée de gens était déjà prête à la suivre, résume The Atlantic, dans sa croisade «contre les additifs alimentaires, les OGM et tout ce qui n’est pas étiqueté naturel».
À l’encontre de plusieurs siècles de connaissances médicales —l’adage «la dose fait le poison» remonte aux années 1500— elle résume ainsi sa pensée dans son livre:
Tout ce que j’ai mis dans mon corps sortait d’une industrie chimique, ou était vaporisé avec des produits chimiques, ou était génétiquement modifié pour rendre des compagnies plus riches, et moi, plus malade.
Une large portion du public est indubitablement réceptive à ce discours sans nuances, résume l’ex-infirmière et blogueuse Cheryl Wischover dans l’édition américaine du magazine Elle:
Hari est charismatique et adorable, de sorte que lorsqu’elle présente quelque chose comme s'il s'agissait d'un fait à un lecteur déjà inquiet et qui n’a aucun bagage scientifique, qui veut juste nourrir son bébé ou son corps avec de bonnes choses, elle le harponne.
C’est le médecin David Gorski qui y est allé le plus fort dans son blogue:
Elle est un puits apparemment sans fond de désinformation et de diffusion de fausses peurs à propos des ingrédients dans la nourriture, particulièrement tout élément portant un nom qui «sonne» chimique.
Elle —et son armée— ont attaqué notamment Subway, puis Starbucks et MillerCoors, l’agence américaine de contrôle des aliments (FDA) et «la science». Elle a été prompte à rejeter les arguments d’un professeur de l’Université de Floride sous le prétexte qu’il n’était «pas spécialisé en santé ou en nutrition», alors qu’elle n’a aucune formation en santé, en nutrition, en chimie, en agriculture ou en science de l’environnement.
Ses critiques pointent les pires de ses dérapages, comme un billet où elle attaquait les compagnies aériennes en les accusant d’introduire de l’azote dans l’avion. Ce à quoi il a fallu lui expliquer que l’air que nous respirons est composé à 78% d’azote. L’article a été retiré de son blogue, tout comme celui qui comparait les fours micro-ondes à des réacteurs nucléaires.
Mais le problème est que cette Food Babe n’arrive pas seule: elle s’inscrit dans un contexte, celui d’une méfiance généralisée à l’égard d’une foule de choses invisibles. Vous pouvez «choisir votre poison et mobiliser l’armée» qui vient avec, ironise le journaliste Keith Kloor. Que ce soient les compteurs intelligents, les vaccins, les téléphones cellulaires, le fluor dans l’eau ou la peur de la chimie en général, il y a désormais une armée prête à se mobiliser sur Internet.
Vani Hari n’existe pas dans un vacuum. Elle est juste arrivée au bon moment.
Kloor n’est pas aussi sévère que les autres critiques parce que cette blogueuse «est un symbole populaire de quelque chose plus large qu’elle». Ce qui ne l’empêche pas de se demander s’il n’y aurait pas, malgré tout, une façon de dialoguer «avec un messager très populaire de préoccupations mal placées sur la santé, qui a une grosse audience et semble immunisé aux faits».
L’infirmière Cheryl Wischover terminait sur la même interrogation le mois dernier: «elle refuse de dialoguer avec les nutritionnistes qui ont tenté de le faire avec elle au fil des années et au lieu de cela, elle les rejette et les regarde de haut... Elle est polarisante plutôt que productive.»