La première personne à avoir reçu un rein de porc aura survécu deux mois à la transplantation. Une nouvelle qui n’étonne pas —l’homme savait que ses chances de survie étaient minces et les médecins savaient être en territoire inconnu— mais qui rappelle que la route est encore longue et incertaine.
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En 2022 et 2023, c’étaient les deux premières transplantations d’un coeur de porc qui avaient attiré l’attention —et les deux personnes avaient respectivement survécu 60 et 40 jours.
Il y a longtemps que des médecins espèrent que la transplantation d’organes d’animaux, ou xénotransplantation, sera une planche de salut pour ceux qui attendent désespérément un don d’organe. Des expériences sur des primates ont été menées dans la dernière décennie, notamment en tentant de profiter des avancées en matière de manipulation génétique —l’idée étant d’identifier la combinaison de gènes qui éviterait les rejets par notre système immunitaire. Les résultats de ces expériences ont parfois été encourageants: mais la brève survie des trois premiers patients a montré aux plus enthousiastes que le passage du primate à l’humain n’était pas assuré.
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Et on en parle depuis plus longtemps encore, si on se rappelle qu’en décembre 1994, à l’Hôpital Royal Victoria de Montréal, des médecins avaient branché temporairement une patiente de 55 ans à un foie de porc —le temps qu’on puisse lui greffer le foie humain qu’elle attendait, quelques heures plus tard.
Le porc est ciblé entre autres parce la taille et l’anatomie de ses organes ressemblent aux nôtres.
Des médecins spécialistes de la xénotransplantation, interrogés par Nature la semaine dernière, préféraient voir les leçons apprises de ces trois décès que la longueur du chemin à parcourir: leçons qui vont du nombre de tests que l’organe du « donneur » doit subir jusqu’aux types de médicaments que les humains doivent recevoir pour limiter les risques de rejets ou d’infections. « Je suis encouragé par le fait que nous sommes rendus aussi loin », déclare le chirurgien Robert Montgomery, de l’Université de New York. Il est l’un des 55 co-auteurs d’une étude parue le 17 mai dans Nature Medicine et relatant les deux greffes de coeurs.
Une quatrième xénotransplantation a eu lieu, le 12 avril, sur une patiente de 54 ans, Lisa Pisano, un rein cette fois. En entrevue avec des médias le 24 avril, elle disait se sentir bien. Le 1er juin, on apprenait que les médecins lui avaient retiré le rein, en raison d'un problème de flux sanguin, mais pas en raison d'un rejet de l'organe. Mme Pisano, dont l'état était décrit comme stable, aura vécu 47 jours avec cet organe.
Aussi incertains que soient les résultats, ces quatre transplantations ont reçu l’autorisation de l’agence américaine (la FDA) chargée d’approuver les traitements médicaux, en vertu de ce qu’on appelle « l’accès compassionnel » —une autorisation d’urgence accordée à titre exceptionnel lorsque la vie d’une personne est à risque et qu’aucun autre traitement n’est disponible. Depuis 2022, des chercheurs réclament que la FDA aille à présent plus loin, et démarre de véritables essais cliniques.
Ce texte a été modifié le 4 juin avec les dernières nouvelles sur Mme Pisano dans l'avant-dernier paragraphe.