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En janvier dernier, un patient quadraplégique anonyme se faisait implanter dans le crâne une puce électronique: l’événement avait eu droit à un fort écho médiatique, parce que l’implant en question provenait de la compagnie d’Elon Musk. Aujourd’hui, l’implant ne fonctionne plus que partiellement, mais le patient, sorti de l’ombre, dit ne pas regretter son choix. 

« Je veux juste que tout le monde embarque dans cette aventure avec moi », déclare avec enthousiasme Noland Arbaugh, 30 ans, dans une entrevue accordée à ABC News le 17 mai, et dans une autre publiée le 22 mai par le New York Times.

La compagnie Neuralink avait, au début, fait état de progrès encourageants, ce que confirme le patient dans son entrevue : grâce à cet implant, de la taille d'une pièce de monnaie, il avait progressivement pu apprendre à faire bouger une souris d’ordinateur, au point de pouvoir jouer à un jeu vidéo. 

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Toutefois, au début de mai, la compagnie a admis que, depuis la fin-janvier, 85% des fils flexibles qui permettaient à l’implant de se connecter au cerveau pour enregistrer et transmettre ses commandes avaient peu à peu « glissé » en-dehors du cerveau. Les ingénieurs ont pu d’abord reprogrammer le système pour qu’il continue de répondre à certaines des commandes, mais le patient ne pouvait plus amener la souris à « cliquer » sur un élément et il a dû apprendre à diriger un autre outil apparaissant à l’écran.

Neuralink lui aurait déconseillé, dit-il à la journaliste du Times, de subir une deuxième chirurgie pour replacer correctement les fils. 

L’intervention chirurgicale d’origine avait été annoncée, le 29 janvier par un simple message d’Elon Musk sur X. Depuis cette date, il n’y a eu ni étude publiée, ni données scientifiques d’aucune sorte; les rares informations sont venues de la compagnie elle-même. Celle-ci n’a pas non plus répondu aux demandes d’entrevues des journalistes. 

En revanche, quelques mois plus tôt, en septembre 2023, un reportage du magazine Wired avait semé l’inquiétude: des documents obtenus de l’Université de Californie avaient permis d’apprendre qu’au moins 12 singes qui avaient été soumis à cette même expérience depuis 2018 —soit un sur cinq— avaient dû être euthanasiés. On parlait dans ces documents d’enflure du cerveau (ou oedème cérébral), de paralysie partielle, de perte de coordination et de comportements d’automutilation. Un rapport d’autopsie faisait état de saignements au cerveau chez un animal, un autre décrivait un implant qui s’était partiellement « détaché ».

Les défaillances de l’actuel implant tendent donc à confirmer les craintes des experts comme quoi la réalisation d’une éventuelle interface cerveau-ordinateur est plus complexe que prévu. Le cerveau n’est pas immobile lorsque nous nous déplaçons, et il possède plusieurs mécanismes de défense contre des « intrus ». 

Neuralink affirme avoir obtenu de l’agence américaine chargée d’approuver les traitements (la FDA) l’autorisation de tester ce même appareil chez d’autres patients.

Rappelons que cette expérience n’est pas une première. D’autres compagnies y travaillent depuis plusieurs années. Le premier essai clinique d'un tel implant, BrainGate, remonte même à 2004. En théorie, il permettrait à des personnes paralysées de regagner un peu d’autonomie, en contrôlant un ordinateur à distance, ou en communiquant. Par exemple, dans une expérience menée en 2021 à l’Université Stanford, en Californie, des chercheurs avaient pu décoder les signaux cérébraux d’un homme lorsqu’ils lui demandaient de penser à des mots écrits avec un crayon, permettant à un ordinateur de traduire certains de ces mots à l’écran.

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