Bien que la désinformation climatique ait les coudées franches sur les réseaux sociaux, et bien qu’elle semble augmenter sur certaines plateformes pendant les COP annuelles des Nations unies sur le climat, reste qu’elle est relativement facile à repérer. Le Détecteur de rumeurs propose, pour s’y retrouver, une classification en 4 parties.
À lire également
Cet article fait partie de la rubrique du Détecteur de rumeurs, cliquez ici pour les autres textes.
1- Les affirmations qui enfoncent une porte ouverte
Ce sont les affirmations qui prétendent avoir découvert un « oubli » ou une « erreur » dans la science du climat, alors que ces affirmations font bel et bien partie de la science du climat depuis des décennies. Par exemple, « La Terre se réchauffe et se refroidit depuis des milliards d’années » (ce que jamais personne n’a nié), « le CO2 n’est qu’une petite partie de l’atmosphère » (ce qui n’a jamais été nié non plus), etc.
Abonnez-vous à notre infolettre!
Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!
Ces arguments sont à ce point répétitifs qu’il y a déjà 16 ans, un site appelé Skeptical Science en recensait des dizaines. Ils renvoient à des concepts ou des réalités qui forment les bases des connaissances sur le climat, sur les océans ou sur l’atmosphère.
2- Les affirmations fausses
Une partie de cette deuxième catégorie d’affirmations partagées par les climatosceptiques prend la forme d’accusations: « Les climatologues n’ont jamais voulu étudier [insérer ici l’item préféré] » ou bien « Les scientifiques du climat refusent de répondre aux questions sur [idem] ».
Par exemple, le rôle du Soleil dans le réchauffement aurait été balayé sous le tapis, ou bien l’hypothèse d’une ère glaciaire imminente, ou bien les « échecs » des modèles climatiques. Or, toutes ces questions ont été dûment examinées et ce, à maintes reprises. Ainsi, les variations du cycle solaire ne montrent aucune corrélation avec le réchauffement du dernier siècle, l’ère glaciaire imminente est un mythe qui réapparaît à intervalles irréguliers, et des modèles climatiques remontant aux années 1970 et 80 avaient plutôt bien prédit ce qui allait se produire, considérant les limites des technologies informatiques de l’époque.
On peut aussi ranger dans cette catégorie la fausse accusation « dans les années 1970, les scientifiques prédisaient plutôt le refroidissement ». Cette rumeur repose essentiellement sur des articles de presse (un court article du magazine Newsweek paru en 1975, « The Cooling World », est souvent cité). Alors qu’en réalité, du côté de la recherche scientifique, une compilation effectuée en 2008 pour trancher cette question révélait qu’entre 1965 et 1979, 44 des 71 études prédisaient un réchauffement, 20 étaient neutres et 7 spéculaient sur une légère baisse des températures. Le blogue de vulgarisation Real Climate avait également fait un tour de cette fausse rumeur dès 2005.
Enfin, la fausseté prend souvent la forme de graphiques dont on prétend qu’ils « démontrent » l’inexistence du réchauffement. La plupart du temps, la source n’est pas citée, ou bien il s’agit d’un graphique montrant des dates très soigneusement choisies (en anglais, on parle alors de cherry picking : ne retenir que les données qui nous arrangent).
3- Les affirmations trompeuses
L’affirmation peut ne pas être fausse, mais trompeuse. Par exemple, « Il faisait plus chaud au Groenland lorsque les Vikings y sont arrivés en l’an 1000 » est vrai, mais prétendre que cela invalide la gravité de l’actuel réchauffement est erroné: celui-ci est mondial, alors que celui de l’an 1000 n’était que dans l’hémisphère nord, et encore, uniquement dans une partie de cet hémisphère.
Dans la même logique, « nous avons du mal à prédire la météo la semaine prochaine », est vrai, mais prétendre que cela invalide la capacité à prédire la température dans 100 ans est trompeur: la climatologie ne vise pas à prédire le temps qu’il fera le jour de Noël de l’an 2123, mais la température moyenne de la planète au début du 22e siècle, par rapport à aujourd’hui —en plus des tenter de prédire les conséquences que ça aura sur la moyenne des tempêtes, des canicules ou des sécheresses.
4- Les affirmations qui s’appuient sur une méconnaissance de l’info scientifique
Cette dernière catégorie peut être plus difficile à repérer pour qui n’est pas familier avec la façon dont un savoir scientifique se construit petit à petit. Mais certaines des notions de base sont à la portée de tous, comme l’a rappelé ici et là le Détecteur de rumeurs :
- Un consensus scientifique se construit sur la base d’études, et non d’opinions. Par conséquent, un argumentaire sérieux ne peut pas s’appuyer sur une « pétition » signée par un nombre X de scientifiques, ou sur la phrase « un prix Nobel l’a dit ». On peut lire à ce sujet Consensus scientifique et climat: ce qu’il faut savoir ou Il a raison parce qu’il a un Nobel? Faux
- Dans la même logique, les déclarations d’un militant environnemental n’ont pas la même valeur qu’une série d’études. Toute affirmation d’un climatosceptique qui cherche à rejeter la science du climat sous le prétexte que Greta Thunberg, Al Gore ou Greenpeace, ont jadis dit une chose qui semble aujourd’hui erronée, passe à côté de l’essentiel. On peut lire à ce sujet 3 astuces pour distinguer l’information de l’opinion ou Étude scientifique? 8 questions à se poser
- Des choix politiques qui dérangent peuvent aussi amener à confondre information et opinion: par exemple, il est normal de s’inquiéter de la pollution générée par l’exploitation des minéraux dont auront besoin les véhicules électriques, comme le lithium. Tout comme il est normal d’être choqué par un nombre élevé d’avions privés qui se rendent à une conférence sur le climat. Ce sont là des débats de société à faire, mais qui n’invalident en rien la réalité scientifique des changements climatiques. On peut écouter à ce sujet Émotions fortes: premier symptôme de contamination ou lire Études scientifiques: lesquelles sont les plus solides.