Klebsiella_pneumoniae

Les médias ont hésité entre deux titres, et aucun des deux n’était rassurant: « Une femme tuée par une bactérie résistante à presque tous les antibiotiques » ou « Une femme tuée par une bactérie résistante à 26 antibiotiques ».

La femme en question, une septuagénaire du Nevada, est décédée d’un choc septique en septembre, victime d’une de ces « super-bactéries » qui inquiètent de plus en plus les médecins. À cause de la sur-utilisation des antibiotiques depuis 50 ans, le monde bactérien vit une évolution darwinienne rapide, où les plus forts survivent et transmettent leurs gènes de résistance à leurs descendants. 

S’il est encore rare d’observer un cas d’infection qui soit résistant à « presque » toutes les classes d’antibiotiques disponibles — les 26 classes mentionnées représentent la totalité de ce qui est commercialisé aux États-Unis — la progression semble néanmoins irréversible. Cette femme, dont les causes du décès ont été confirmées le 12 janvier par le Centre de contrôle des maladies (CDC) « ne sera pas la dernière », prophétise la journaliste Sarah Zhang dans The Atlantic.

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Les scénarios les plus pessimistes évoqués ces dernières années font état, à l’horizon 2050, de 10 millions de décès par des infections résistantes.

La patiente en question s’était fracturée il y a deux ans la jambe droite en Inde, un des pays dont une étude en 2015 avait révélé un essor des bactéries multirésistantes. La raison, écrivait-on alors : ces pays sont ceux où, grâce à l’amélioration du niveau de vie, davantage de gens réclament des antibiotiques pour traiter des infections mineures.

C’est au retour de la patiente au Nevada qu’on aurait diagnostiqué une infection multirésistante — une entérobactérie résistante aux carbapénèmes, pour les intimes — sans soupçonner encore à quel point elle était résistante. Les tests réalisés par le CDC après le décès de la patiente qui ont révélé l’ampleur du problème.

La bactérie précise, dans ce cas-ci, est pourtant connue depuis longtemps : Klebsiella pneumoniae est présente dans de nombreux cas de pneumonies nosocomiales et d’infections urinaires. Le fait qu’une « famille » de cette bactérie puisse être en train de développer, dans un coin ou l’autre du monde, ce type de défense, constitue un drapeau rouge de plus pour les services de santé publique. Cela signifie qu’en ce moment même, d’autres personnes transportent en elles cette bactérie résistante, mais n’ont pas encore été suffisamment malades pour que la bactérie profite de l’occasion. En octobre, un « commentaire » paru dans The Lancet  avançait qu’un tiers des bébés nés dans le monde avec un sang infecté par Klebsiella pneumoniae seraient impossibles à traiter.

Dans l’édition du 12 janvier du Morbidity and Mortality Weekly Report, les chercheurs du CDC qui publient leurs résultats sur la dame du Nevada soulignent l’importance pour les hôpitaux d’interroger leurs patients sur leurs voyages récents et leurs hospitalisations à l’étranger — tout en soulignant que rien n’aurait pu sauver la vie de cette femme.

« Si ce que nous attendons c’est une sorte de signal d’alarme qu’il nous faut attaquer ce problème à l’international », en voilà un, résume dans StatNews le directeur du Centre d’action sur la résistance aux antibiotiques à l’Université George Washington.

Le 21 septembre dernier, l’Assemblée générale des Nations Unies avait tenu une réunion spéciale des chefs d’État sur ce problème : c’était une des rares fois dans l’histoire des Nations Unies qu’une réunion à ce niveau élevé concernait un problème de santé publique.

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