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Lorsque le ministre de la Santé des États-Unis, Robert F. Kennedy Jr, avait annoncé le 27 mai que son ministère cesserait de recommander les vaccins contre la COVID aux enfants et aux femmes enceintes, c’était une décision personnelle, qui contournait l’avis de son comité d’experts. Cette semaine, il a mis à pied le comité d’experts.

La décision de cesser de recommander pour certains segments de la population les vaccins contre la COVID pourrait-elle se répéter avec les vaccins contre la rougeole et les autres maladies infantiles? C’est la question qu’avait posée la semaine dernière le magazine de vulgarisation scientifique New Scientist, avant même l’annonce de cette mise à pied du comité d’experts, le 9 juin.

C’est que le comité aviseur en question (Advisory Committee on Immunization Practices, ou ACIP) existe justement, depuis 1964, pour recommander au Centre de contrôle des maladies (CDC), une agence du gouvernement fédéral, quels sont les vaccins à distribuer et dans quelles circonstances —incluant le calendrier de vaccination infantile— parmi tous les vaccins qui sont passés par les étapes de vérification et d’approbation. Le comité tient à cet effet quelques audiences publiques chaque année: les prochaines devaient avoir lieu à la fin-juin. Les compagnies d’assurance et les programmes d’assurance-maladie gouvernementaux sont tenus d’assurer une couverture des vaccins recommandés.

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Considérant le scepticisme à l’égard des vaccins qu’affiche RFK depuis deux décennies, le fait qu’il soit passé outre à l’avis des experts sur les vaccins contre la COVID n’est donc pas une surprise, mais la mise à pied de l’ensemble du comité a pris par surprise même ceux qui critiquaient sa nomination comme ministre de la Santé. En fait, lors des audiences en vue de sa nomination à la fin-janvier, Kennedy avait spécifiquement promis qu’il ne toucherait pas au comité.

L’annonce du 27 mai avait été faite par une vidéo sur le réseau social X. L’annonce de la mise à pied du comité de 17 experts l’a été par une lettre publiée dans le Wall Street Journal. 

Dans cette lettre, RFK se justifie par de présumés conflits d’intérêts qui impliqueraient ces experts, mais il ne précise pas qu’en réalité, tous ces experts ont rempli des formulaires de divulgation des conflits d’intérêts, et que ces informations sont publiques. Il affirme également que ces personnes ont été financées par les compagnies pharmaceutiques, ce qui est faux. Et il écrit que 97% des déclarations de conflits d’intérêts ont des « omissions », mais le New York Times note que ce chiffre provient d’un rapport du vérificateur de 2009, et que les omissions en question étaient des dates manquantes ou des informations placées dans la mauvaise colonne. 

RFK affirme que ce changement « rétablira la confiance du public dans les vaccins ».

Il n’a pas donné d’indications sur ceux qu’il nommera pour remplacer les experts sur ce comité —qui regroupait des experts en santé publique, en épidémiologie, en pédiatrie et en gériatrie. « Je pense que Kennedy tente ici de remplacer des fonctionnaires de carrière possédant une expertise scientifique par ceux qui seront plus accommodants envers lui et envers l'ordre du jour de l'administration Trump », déclare Matt Motta, professeur en droit de la santé à l'Université de Boston. L'une de ces expertes mises à pied, l'infectiologue Helen Chu, déclare au magazine médical STAT que « l'expertise scientifique n'est plus en usage ». Réunis en congrès, les délégués de l'Association médicale américaine (AMA) ont exigé le 10 juin de Kennedy qu'il renverse sa décision, ou bien du Sénat qu'il ouvre une enquête. 

Entretemps, les regards se tournent déjà vers les personnalités opposées aux vaccins que Kennedy côtoie depuis des années, comme l’analyste de données David Geier, antivaccin notoire que Kennedy a lui-même mis en charge d’une étude censée déterminer si les vaccins causent l’autisme. Ou bien comme certains des avocats qui ont travaillé avec lui au Children’s Health Defense, l’organisme qu’il a fondé en 2011 et qui défend l’idée fausse que les vaccins causent l’autisme. Le médecin britannique Andrew Wakefield, à qui on doit cette théorie discréditée d’un lien vaccin-autisme, et qui est devenu une vedette des mouvements antivaccins, a aussi été mentionné par les critiques.

Réagissant à la mise à pied du comité, le directeur du comité sur les maladies infectieuses de l’Académie américaine de pédiatrie, Sean O'Leary, a déclaré: « Je ne pense pas qu’il y ait d’autres façons de dire cela, c’est un désastre de santé publique ». Loin de restaurer la confiance dans les vaccins, poursuit-il, cela va renforcer la méfiance chez les groupes déjà inquiets, et la confusion chez les autres : « autant les parents que les pédiatres sont perturbés par les actions en cours, et ceci va seulement empirer les choses ».

 

Ce texte a été mis à jour le 10 juin à 18h avec les réactions d'Helen Chu et de l'AMA. 

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