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Depuis le début de la pandémie, une grogne s’élève devant les communications de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pas facile, de communiquer les risques en temps de crise sanitaire, relève une récente étude exploratoire de chercheurs canadiens.

« La stratégie de communication de l’OMS manque de cohérence, particulièrement sur les réseaux sociaux qui ont été très utilisés, contrairement aux canaux plus officiels », détaille Gabriel Blouin-Genest, professeur adjoint de l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. « La transmission de l’information dépendait alors de la journée ou de la personne et allait d’un extrême à l’autre, de la vulgarisation aux extraits de rapports techniques, sans logique propre. »

Son équipe et ses collègues ontariens ont analysé la communication par l’OMS pendant  le premier mois de la crise, soit du 31 décembre 2019 au 31 janvier 2020. Ils se sont intéressés également à la désinformation et aux impacts psychosociaux de la pandémie —une première enquête a mis de l’avant que « mal s’informer augmente l’anxiété ». 

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Dans certains cas, l’OMS a rapporté les risques avec beaucoup de confusion et pendant trois jours, elle l’a même fait de manière erronée: les 23, 24 et 25 janvier, elle identifiait le risque comme étant « modéré » alors que ses propres canaux officiels l’avaient déjà qualifié « élevé ».

« L’erreur est humaine, ce n’est pas facile de communiquer l’incertitude. Mais les organismes de santé publique se basent sur ces communications afin de prendre leurs décisions. Cela peut être très problématique dans des pays dotés de systèmes de santé défaillants », relève M Blouin-Genest. 

Beaucoup de confusion également autour des termes utilisés pour parler de la limitation des déplacements de la population et du commerce, ont relevé les chercheurs pendant ce premier mois.

Plus récemment, l’organisation a dû encore  s’expliquer sur ses commentaires sur la transmission de la Covid-19 par les personnes asymptomatiques. Après avoir suggéré que cette voie de transmission était très rare, Maria Van Kerkhove, responsable technique de l’OMS, a indiqué le jour suivant que les taux réels de transmission asymptomatique ne sont pas encore connus.

Historiquement, ce n’est pas la première fois que l’OMS est critiquée. Lors de la grippe H1N1, elle avait été accusée d’avoir surestimé le risque, et lors de l’épidémie d’Ebola, d’avoir trop tardé à réagir.

Pour communiquer adéquatement dans un monde hyper-connecté, il lui faudrait, selon Blouin-Genest, harmoniser ses communications et privilégier les canaux officiels. « Le plus souvent, on ne sait pas qui parle», dénonce-t-il. L’OMS devrait copier le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui compile l’information scientifique et émet des recommandations en départageant le politique et la science.

Reste que, même lorsqu’elle innove, l’OMS se fait encore critiquer, par exemple lorsqu’elle s’allie avec le secteur privé et les compagnies d’Internet pour développer de nouveaux outils comme un récent système d’alerte sur WhatsApp (WHO Health Alert). L’organisme tente pourtant de répondre là à des besoins de base, particulièrement auprès de pays plus vulnérables.

À chaud sur la crise

Il s’agit d’un travail de mise en perspective de la stratégie de communication particulièrement utile, surtout dans ce contexte d’urgence, commente le Pr Oumar Kane, du Département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal.

« C’est une évaluation intéressante de la communication de crise de l’OMS selon un continuum temporel assez précis. » Il regrette seulement que, vu le sujet traité, on n’ait pas demandé « la contribution d’un ou une spécialiste en sciences de la communication » 

Il aurait souhaité une analyse en profondeur et davantage de recul mais « cela est inévitable pour ce genre d’exercice qui vise une réaction à chaud ».

 « On ne peut cependant passer sous silence le fait que l’OMS a tenté de mettre en place une communication de crise au plus haut sommet de l’institution avec des points de presse très réguliers, sans compter l’extrême incertitude qui régnait autour de la maladie. Il faut tenir compte de ce contexte très difficile pour toute évaluation de leur communication qui a eu le mérite de présenter sur une base régulière un état de la situation au grand public », note l’expert.

Au final, il s’agit d’un exercice « très éclairant » et utile dans un contexte où « la communication de l’OMS est attaquée sur des bases politiques partisanes ». 

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