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Depuis le temps qu’on entend dire que nous sommes des « poussières d’étoiles », voilà qu’on a pu en voir apparaître en direct, ou presque: le mystère de la perte de brillance de l’étoile Bételgeuse était apparemment dû à l’expulsion d’une masse impressionnante de ces fameuses poussières.

L’étoile, qui appartient à la catégorie des supergéantes rouges  —est qui est visible à l’oeil nu, dans la constellation d’Orion— avait commencé à perdre de sa luminosité à l’automne 2019, et pas qu’un peu: entre le quart et la moitié, selon les différentes estimations qui ont circulé. En temps normal, l’explication serait simple: une étoile donne seulement l’illusion d’être moins brillante, parce que « quelque chose » passe entre elle et nous. Une de ses planètes, par exemple.

Mais aucune planète n’aurait pu être assez grosse pour expliquer ce qui a été observé là-bas pendant les derniers mois de 2019 et les deux premiers mois de 2020. Au point où des hypothèses plus osées ont été évoquées: peut-être qu’une civilisation extraterrestre est  train de construire une « coquille » autour de son étoile? Ainsi qu’une hypothèse plus « naturelle », mais un brin inquiétante: peut-être que Bételgeuse est sur le point de devenir une supernova, c’est-à-dire une étoile qui finit sa vie dans une gigantesque explosion? Un scénario qui, après tout, est « prévisible » avec une étoile aussi massive qu’une géante rouge qui est, par définition, en fin de vie. Sauf que, dans le langage des astronomes, « prévisible » veut dire dans les 100 000 prochaines années…

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Le coupable est plus prosaïque: selon l’équipe de l’astrophysicien Miguel Montargès, qui a étudié cette étoile depuis l’Observatoire européen du Sud (ESO), au Chili (le Very Large Telescope, ou VLT)  et qui publie ses résultats le 16 juin dans la revue Nature, il semble que ce soit un immense nuage de poussières qui ait temporairement enveloppé Bételgeuse. Mais ce nuage n’est pas venu de nulle part: il a été produit par l’étoile elle-même, dans une énorme « éruption », à l’échelle de ce qu’est cette étoile géante (887 fois la taille de notre Soleil). Le gaz qu’elle a éjecté s’est refroidi au contact de l’espace extérieur, et s’est condensé en des particules solides assez grandes pour avoir cet impact visible jusque chez nous, à près de 700 années-lumière.

Le scénario est en même temps un peu plus compliqué, et les experts reconnaissent ne pas avoir encore toutes les pièces du casse-tête. Par exemple, les variations de température  à la surface de l’étoile jouent probablement un rôle dans les circonstances de l’éruption, et il se pourrait, selon une hypothèse défendue par une autre équipe, à l’Université Villanova, que l’éruption soit née dans une région « froide », des mois avant l’automne 2019.

Dans tous les cas, il s’agit bel et bien là de ce dont les astronomes parlent quand ils évoquent des « poussières d’étoiles »: constituées d’éléments chimiques plus lourds et plus complexes que l’hydrogène —l’aluminium et l’oxygène, par exemple— ces éléments se retrouveront un jour au sein d’astéroïdes, de comètes et de planètes… et peut-être au sein d’êtres qui regarderont le ciel avec curiosité, en se demandant pourquoi donc cette étrange étoile est soudain devenue moins brillante…

 

Image: Bételgeuse, avant et pendant son assombrissement. Source: ESO / Montargès et al. 

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