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Peut-on envisager une aviation plus écologique ? Le secteur est dans une zone de turbulences en raison de sa production de matières polluantes qui contribuent au réchauffement de la planète. Au point où il existe même un mouvement, né en Suède, appelé « Flagskam » pour la « honte de prendre l’avion ».

L’aviation a pourtant amorcé un virage écologique depuis des « décennies », soutient Mehran Ebrahimi, professeur au Département de management et technologie de l’ESG UQAM. Pour réduire la consommation de kérosène, les concepteurs ont procédé à plusieurs « améliorations technologiques ». Si on compare à ce qui se faisait il y a 30 ans, explique l’expert en gestion aéronautique, « on peut dire que les avions consomment 70 % moins par passage aux 100 km ». À cet égard, l’aviation aurait donc fourni des efforts pour réduire sa production de gaz à effet de serre (GES). « Je tiens à le préciser, ajoute-t-il, c’est beaucoup plus par souci de profitabilité que par souci écologique, mais le résultat est là. »

Le transport de passagers par des avions commerciaux a représenté 785 millions de tonnes de CO2 en 2019, une augmentation de 192 millions de tonnes de CO2 par rapport à 2013, indique le rapport de l’International Council on Clean Transportation (ICCT) paru en 2020.

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Réduire leur empreinte carbone

Entre autres pistes de solution : les déchets. À l’échelle planétaire, les ordures atteindront annuellement 3,4 milliards de tonnes dès 2050, soit une augmentation de 70% par rapport à 2018. L’industrie aéronautique estime que ces déchets représentent une opportunité pour réduire son empreinte carbone. À cet effet, les recherches se poursuivent pour trouver des biocarburants — à partir de déchets municipaux, notamment — qui auront moins d’impacts sur l’environnement.

Autre piste : capter le CO2 des grands émetteurs industriels, puis le synthétiser avec de l’hydrogène renouvelable. Ce processus émettrait 80 % moins de GES par rapport au carburant classique. Le Consortium SAF+ (Transat, Hydro-Québec, l’Aéroport de Montréal, Polytechnique Montréal et Aéro Montréal) a annoncé en juillet dernier qu’il commercialisera de cette façon 30 millions de litres de kérosène, dès 2025.

Du biocarburant a également été produit à base de salicorne — une plante qui se développe en eau saline — par l’Université Khalifa d’Abu Dhabi, en collaboration avec le groupe industriel et technologique français Safran. Cette approche ne nécessite pas l’exploitation d’eau douce ni de terre arable, souligne l’équipe de recherche. Ce kérosène alternatif produirait environ 70 % moins de GES. Un premier vol commercial utilisant ce carburant a été réalisé en janvier 2019 entre Abu Dhabi et Amsterdam, avec un Boeing 787-9.

Ceci dit, le secteur aéronautique n’est pas le plus polluant des moyens de transport, estime M. Ebrahimi. « Quand on regarde le nombre de passagers transportés — avant la pandémie — on attribue à peu près entre 2,5 % et 4,5 % de l’ensemble des GES de la planète au secteur de l’aviation. »

D’un autre côté, l’avion a d’autres effets nocifs (émissions d’oxydes d’azote, traînées de condensation), dont l’impact sur le réchauffement doit être pris en compte.

La compagnie française Airbus dit prévoir un avion zéro émission d’ici à 2035, tout comme la compagnie américaine Right Electric pour les longues distances, soit 2000 km, d’ici à 2030. Certaines (Ryanair, EasyJet, Lufthansa…) font par ailleurs campagne pour la compensation carbone à travers une politique de reboisement.

Mais il faudrait planter au moins 26 milliards d’arbres sur une superficie de 17 millions de km2 sur les cinq continents. Il faudrait aussi prendre en considération plusieurs paramètres : les exploitations agricoles, la savane et la toundra qui absorbent également le CO2, l’espèce d’arbre à planter, et le temps nécessaire pour la croissance de ces arbres, entre autres.

Le reboisement doit être accompagné de décisions politiques contraignantes, prévient le professeur Ebrahimi. Il souligne qu’il est absurde de prendre l’avion pour un trajet qui prendrait moins de 2 h 30 par train. « L’avion n’est pas fait pour les courtes distances », martèle-t-il.

- Benoît Dosseh

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Cet article a été produit en association avec le cours Quête de sens journalistique, animé par Jean-François Gazaille à l’UQAM

Photo: United Airlines se vante d'être la première compagnie américaine à utiliser du biocarburant. 

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