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La pollution plastique nage dans toute la colonne d’eau du fleuve Saint-Laurent, de la surface jusqu’aux sédiments. Même loin des villes, la quantité de microplastiques reste très élevée, particulièrement dans les 15 premiers centimètres.

Certes, le Saint-Laurent reste moins pollué que d’autres fleuves. « Ce n’est pas le même ordre de grandeur qu’en Chine (le Yangzi Jiang) ou en Inde (le Gange) mais notre fleuve en contient abondamment et notre population est moindre. Il faut donc se demander : comment améliorer ça? », relève la titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écotoxicogénomique et perturbations endocriniennes, Valérie Langlois.

Du plastique a de plus été trouvé dans toutes les régions du globe, jusqu’aux montagnes les plus élevées. On estime que 109 millions de tonnes métriques de plastiques se sont accumulées dans les rivières et près de 30 millions de tonnes de déchets plastiques se retrouvent chaque année dans l’ensemble des océans.

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Cette pollution se composerait pour près de 90 % de macroplastiques et 10 % de microplastiques. Des négociations pour un traité mondial sur la pollution plastique doivent reprendre du 5 au 14 août, en Suisse. 

Les microplastiques sont des particules comprises entre 1 micron, ou 1 millième de millimètre, et 5 mm.

Les chercheurs ont plongé dans l’eau du Saint-Laurent en 11 endroits – dont Sorel-Tracy, Trois-Rivières, Baie-Saint-Paul, Trois-Pistoles – certains à proximité de gros centres urbains et d’autres plus éloignés. Trois prélèvements ont chaque fois été effectués dans les 40 cm sous la surface, entre les 26 mai et 19 juin 2021.

Ils ont réalisé des prises d’eau, à la manière de ce que des citoyens réalisent cet été pour recueillir l’ADN présent dans le fleuve, par des filtrations successives.

L’analyse au microscope a montré que, du côté des microplastiques, la quantité varie entre 38 et 120 PPM – parties par millions – selon les sites, soit en moyenne, en combinant l’ensemble des sites, entre 72 et 93 PPM.

Le Saint-Laurent gorgé de microplastiques

Une des surprises : les chercheurs ont relevé une plus grande concentration de cette pollution dans l’estuaire, plutôt qu’à proximité des grands centres urbains. «Tous les sites d’échantillonnage contiennent des microplastiques, et cela flotte et circule vers l’aval selon les courants, cela se disperse et certains s’agglomèrent et sédimentent», note Valérie Langlois, également professeure à l’Institut national de recherche scientifique.

C’est ce qui expliquerait qu’on en retrouve davantage dans l’estuaire : c’est là-bas, davantage qu’à proximité des grands centres, qu’ils auraient plus de chances de s’agglomérer. 

Polyester, polyéthylène, polypropylène, nylon et  polystyrène: de nombreuses catégories de plastiques abondent dans tous les prélèvements. Et sous de nombreuses formes : fibres, fragments, sphères et même agrégats – de petits amoncellements de différents plastiques.

« On prend conscience que la mode jetable occasionne beaucoup de pollution dans les océans et de nombreux vêtements sont dérivés de la production plastique », rappelle la chercheuse.

Ce ne sont pas les mêmes catégories de plastiques qui se retrouvent au fond et en surface, ce qui offre l’opportunité aux chercheurs de caractériser ces microplastiques. Le niveau de sel de l’eau va également changer la donne lors de la dégradation des matières.

« Cela va agréger des microparticules, ce qui va les rendre plus lourdes et sans doute les faire tomber au fond», relève la chercheuse. Il y aurait aussi d’autres facteurs (rayons UV, traitement des eaux usées, types de bactéries, etc.) participant à cette dégradation.

Impact sur la vie marine

On ne fait pas qu’en trouver dans l’eau et dans les sols, on en trouve dans tous les êtres vivants, des mollusques jusqu’aux oiseaux de mer. Ce qui ne semble plus faire les manchettes, à l’heure où l’on découvre que même nos cellules et fluides organiques reproducteurs (follicule ovarien et sperme) en contiennent. 

L’étude précédente de Valérie Langlois portait d’ailleurs sur la présence de microplastiques dans les huîtres, pour savoir si cela affectait leur santé, et par rebond, la nôtre. 

L’exposition des huîtres canadiennes et guadeloupéennes aux nanoplastiques présents dans l’eau, conjuguée à de l’arsenic, perturberait leurs fonctions biologiques et provoquerait une surexpression de gènes responsables de la mort des cellules (apoptose).

Valérie Langlois participe actuellement à une étude franco-québécoises sur les effets des microplastiques sur les huîtres d’Arcachon, célèbres en France (Magallana gigas) et sur celles nord-américaines (Crassostrea virginica).

« Le plastique est présent dans la chaîne alimentaire et pénètre dans les organismes, pas juste par l’alimentation et l’eau mais aussi dans les poussières, l’air. Cela entre dans les tissus organiques et occasionne des irritations et interfère avec les protéines », détaille la chercheuse.

Son intérêt se porte aussi sur les nanoplastiques – ceux qui mesurent moins de 1 micron, soit la taille de quelques molécules– et aussi sur la composition des nouveaux plastiques, ce qu’on appelle les bioplastiques: bien qu’on leur attribue des vertus —recyclables, biodégradables— ces nouvelles formes de plastiques constitueraient une autre forme de pollution pour l’écosystème marin.

Il faut réaliser que nous sommes submergés par le plastique et que même s’il existe des alternatives plus ou moins écologiques, « diminuer notre consommation de plastique, c’est la meilleure gestion », note-t-elle.

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