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D’abord observés en Grande-Bretagne, les cas de cette mystérieuse variole du singe sont pour l’instant plus mystérieux qu’inquiétants. Mais on peut être sûr que le nombre réel de cas est plus élevé que le nombre de cas rapportés, compte tenu de leur dispersion géographique.

Ce texte a été remis à jour du 19 au 24 mai.

Sur quatre continents

Un premier cas a été confirmé en Grande-Bretagne le 7 mai, chez un voyageur de retour du Nigéria. Deux autres le 14 mai, puis une dizaine de cas suspects quelques jours plus tard. Une douzaine de cas suspects ont été annoncés à Montréal le 19 mai. Un au Massachusetts la veille. Le fait qu’autant de cas soient détectés en aussi peu de temps et dans autant d’endroits différents —dont l’Espagne et le Portugal— suggère que plusieurs cas ont dû passer sous le radar. Une mise à jour de l'OMS, le 21 mai, énumère 12 pays, mais d'autres recensions, comme celle de BNO News, énumèrent, en date du 24 mai, une vingtaine de pays ayant au moins un cas confirmé. 

Est-ce le retour de la variole?

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Non. C’est plutôt un virus de la même famille que la variole (la famille appelée poxvirus, de l’anglais pox, qui signifie pustules). La variole a fait l’objet d’une campagne massive de vaccination dans les années 1950 à 1970, qui a conduit à son éradication.

Est-ce une nouvelle maladie?

Non. La variole du singe est identifiée depuis les années 1950 et le premier cas confirmé chez un humain remonte à 1970. De plus, comme les symptômes ressemblent à ceux de la variole, il est possible que des cas aient été observés depuis des siècles, mais aient été toujours confondus avec ceux de la variole. On en connaît deux souches: celle dite du bassin du Congo et celle dite ouest-africaine. Seule cette dernière souche a été observée jusqu'ici en dehors d'Afrique. 

La maladie ne porte pas le bon nom: bien qu’ayant été découverte chez des singes, elle circule en réalité surtout chez des petits mammifères, comme les rats.

Est-elle plus souvent observée qu'avant chez les humains?

Possiblement. Des éclosions chez des humains se produisaient à intervalles réguliers dans des pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest. Les États-Unis avaient connu en 2003 une éclosion de 47 cas confirmés dans six États (dont le Wisconsin et l’Indiana). C’était la première éclosion rapportée en-dehors du continent africain. Elle avait son origine dans l’importation de petits mammifères du Ghana.

Mais depuis, des cas observés ici et là, notamment en Grande-Bretagne en 2018, suggèrent que, ces dernières années, les cas isolés seraient peut-être plus nombreux. Deux chercheurs belges en parlaient en 2018 comme d'une maladie émergente à surveiller et une revue de la littérature en 2019 évoquait pas moins de 71 éclosions documentées en Afrique. Une possibilité, évoquée dès 2010, est que l'immunité collective atteinte jadis contre la variole grâce à la vaccination, aurait indirectement nui, à cette époque, à la progression de la variole du singe, mais que cet avantage serait en train de s'estomper, puisque plus personne n'est vacciné depuis 40 ans.

Ce qui est sûr, c'est que cette fois-ci, comme la plupart des cas observés en Grande-Bretagne et ailleurs n’ont pas voyagé récemment, il faut à présent parler d’une « transmission communautaire », ce qui signifie que le suivi des cas et le traçage des contacts seront très importants.

Et ce dernier point signifie qu'il est théoriquement possible que le virus devienne endémique en Europe, de la même façon qu'il est déjà endémique dans 11 pays africains. C'est le risque évoqué le 23 mai par le Centre européen de prévention des maladies, si la progression de la maladie n'est pas contrôlée et si le virus se trouve un hôte animal propice. 

Comment se transmet le virus?

Pour l’instant, ça fait partie du mystère. Dans les éclosions précédentes, on parlait toujours de transmission par gouttelettes et, surtout, par contacts directs avec un animal contaminé. Dans le cas présent, parce que quatre des premiers cas britanniques appartenaient à la communauté LGBTQ, cela a amené des experts à s’interroger sur la possibilité d’une transmission par contacts sexuels. Ce serait une première, encore que des chercheurs du Nigéria avaient émis cette hypothèse en 2017. Mais il faut souligner qu’il est trop tôt pour valider l'hypothèse, tant qu’on n’aura pas les résultats des prélèvements sur les personnes contaminées. Et tant qu'on n'aura pas avancé dans les opérations de traçage des proches de ces personnes. Il faut aussi savoir que le virus a une période d’incubation d’une à deux semaines —autrement dit, il peut s’écouler une à deux semaines entre le moment où l’on a été contaminé et celui où apparaissent les symptômes.

Le 20 mai, une équipe de chercheurs au Portugal publiait le premier génome partiel du virus, puis une équipe belge publiait le premier génome à peu près complet. Ce dernier avait été prélevé sur un patient de 30 ans qui avait voyagé au Portugal. Conclusion préliminaire: une séquence génétique assez similaire à celle d'un même virus prélevé en Grande-Bretagne en 2018, et qui appartient à la souche ouest-africaine, ce qui suggère qu'il ne s'agit pas d'une souche du virus qui aurait subi une soudaine mutation le rendant plus transmissible entre humains. 

Faut-il s’inquiéter?

Interrogé dans le Daily Telegraph de Londres, le professeur de médecine de l’Université East Anglia, Paul Hunter, estime que le risque d’infecter une personne dans la même maison serait de 10%. Les cas d’hospitalisations sont rares. L’éclosion des États-Unis, en 2003, n’avait entraîné aucun décès. Les enfants sont toutefois à plus haut risque de cas graves que les adultes, selon l’OMS. Le 22 mai, une estimation très préliminaire plaçait le taux de transmissibilité entre 1,15 et 1,26, un chiffre qui, s'il se confirmait, serait rassurant, souligne une des auteures. 

Quels sont les symptômes?

D’abord de la fièvre, des maux de tête et des douleurs musculaires. Mais le virus produit surtout une éruption cutanée qui lui est caractéristique, commençant d’abord sur le visage pour se répandre sur le reste du corps, incluant les parties génitales. On compare ces signes à ceux de la varicelle et ça peut provoquer des démangeaisons. L’Organisation mondiale de la santé décrit les symptômes comme pouvant être « légers ou sévères ».

Existe-t-il un traitement?

Bien que le vaccin contre la variole protégeait aussi contre la variole du singe, la campagne de vaccination a cessé il y a environ 40 ans. Mais le vaccin pourrait en théorie être à nouveau produit à grande échelle.

Un médicament, le Tecovirimat, est approuvé en Europe, mais n'a été testé que sur des animaux. Il existe par ailleurs au moins un vaccin qui pourrait prévenir la contamination, qui a été approuvé aux États-Unis en 2019. Il a été suggéré ces derniers jours que ces vaccins pourraient être administrés aux travailleurs de la santé. 

 

Photo: Éruptions cutanées sur les mains d’une personne atteinte de la maladie au Congo / CDC

Ce texte a été modifié le 20 mai avec l'ajout des références au médicament et à l'étude de 2010. Mise à jour le 20 mai à 18h avec l'ajout du paragraphe sur le séquençage en Belgique et au Portugal. Mise à jour le 21 mai avec l'hypothèse des chercheurs du Nigéria et la revue de la littérature de 2019. Mise à jour le 23 mai: ajout de l'intertitre "sur quatre continents", de l'état de la situation de l'OMS et de la première estimation du taux de transmissibilité. Mise à jour le 24 mai: ajout de la possibilité endémique en Europe et de BNO News. 

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