Rachel Gunn / Université Lancaster

SI vous êtes un oiseau de mer fréquentant une île tropicale, votre vie a été rendue plus difficile par l’espèce invasive que représentent les rats: ceux-ci sont friands de vos oeufs. Or, voilà qu’on découvre que les poissons qui nagent dans les parages sont eux aussi affectés.

Ce n’est pas parce que les rongeurs se seraient soudain transformés en habiles pêcheurs. La relation est indirecte. Dans l’archipel des îles Chagos, en mangeant les oeufs (et les oisillons), les rats déciment les populations d’oiseaux. Moins d’oiseaux veut dire moins de crottes dans l’eau. Moins de crottes veut dire moins d’azote et de phosphore dans l’eau. L’azote et le phosphore contribuaient à la croissance des algues autour des récifs de corail. Les algues étant moins nutritives, un type de poisson-demoiselle (Plectroglyphidodon lacrymatus) très actif dans les environs, n'est plus lui-même.

Ce cycle —qui était soupçonné depuis longtemps— est confirmé dans une recherche publiée le 5 janvier par une équipe britannique de l’Université de Lancaster. Elle s’est intéressée aux îles Chagos parce que, dans cet archipel de 55 îles de l’océan Indien, 34 ont été « colonisées » au 18e siècle par des rats européens, en même temps que débarquaient les humains originaires de ce lointain continent. Cela offrait aux chercheurs une base de comparaison: ils ont donc installé des caméras sous-marines pour comparer les comportements des poissons d’une île à l’autre.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Mais en particulier les comportements de ce poisson-demoiselle, parce qu’il est connu pour défendre agressivement « ses » algues. Or, là où il y a moins d’oiseaux, donc des algues moins nutritives, le poisson est moins agressif parce qu’il doit dépenser plus d'énergie à surveiller un plus large territoire. 

Les chercheurs soulignent qu’il s’agissait du comportement marin le plus simple à observer, mais qu’une étude plus approfondie permettrait peut-être de découvrir d’autres changements induits par les rats. Une raison de plus, note l'écologiste Rachel Gunn, pour faire avancer la cause de l’éradication des rats de ces îles.

 

Photo : Un poisson-demoiselle défendant ses algues / Rachel Gunn / Université de Lancaster

Je donne