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Tout ce qui nous entoure est fait d’atomes, ces atomes contiennent protons et neutrons, qui sont eux-mêmes faits de quarks. Ce sont là les différentes « couches » de la réalité. Mais s’il était possible d’inverser la perspective?

La physique a progressé à grande vitesse depuis l’époque où elle a pu démontrer que tout ce qui nous entourait était composé d’atomes. Plongeant de plus en plus profondément d’une couche de la réalité à la suivante, les experts ont pu expliquer autant la composition d’un être humain que celle d’une étoile. Mais la physique est aussi dans une impasse depuis quelques décennies, se heurtant autant à des limites au-delà desquelles il est impossible de « voir », qu’à des mystères tels que l’énergie sombre et la matière sombre, censés composer le plus gros de l’Univers connu.

Autrement dit, cette approche consistant à découvrir ce qui se cache à l’intérieur de chaque constituant du cosmos —à la manière des poupées russes— a bien servi les physiciens, mais une nouvelle approche est manifestement nécessaire pour aller plus loin. Des physiciens ont proposé pour cela ces dernières années une perspective inversée: plutôt que de « plonger » de plus en plus  en profondeur, essayons de « reculer », de faire un « zoom arrière », comme diraient les vidéastes. Afin d’essayer de démontrer si l’Univers, plutôt que d’être uniquement fait de morceaux séparés, ne pourrait pas être décrit comme un seul « objet quantique ».

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La théorie a de quoi fasciner depuis quelques décennies, et elle a été empruntée par des auteurs de science-fiction. Mais les physiciens qui la défendent ont aujourd’hui davantage d’outils à leur disposition.

Par exemple, note dans un texte de vulgarisation le physicien théorique Heinrich Päs, de l’Université de technologie de Dortmund, en Allemagne, la confirmation de l’existence du boson de Higgs en 2013 avait résolu un vieux problème: la particule complétait très bien le « tableau » des particules —le Modèle standard— qui tenait le coup depuis un demi-siècle. Mais cette découverte avait aussi créé un autre problème: la masse de cette particule était 17 fois moindre que celle qui avait été prédite. Or, le calcul théorique de cette masse était fonction d’une valeur jugée immuable, l’échelle de Planck : littéralement, la limite en-dessous de laquelle il est physiquement impossible de « plonger ». Il y avait donc quelque chose qui nous échappait encore quant à l’échelle de Planck, ou la masse du boson, ou le Modèle standard, ou tout cela à la fois.

Problème similaire avec l’énergie sombre, cette force sans laquelle il n’y aurait pas d’expansion de l’Univers: là encore, la valeur de cette énergie, telle que nous pouvons la calculer, est beaucoup trop faible. Là encore, ça signifie qu’il nous manque une ou des variables fondamentales pour comprendre.

La théorie dite de la supersymétrie, tout comme celle des univers multiples (ou multivers) sont deux des tentatives des deux dernières décennies pour sortir la physique de l’impasse. Celle des multivers dit que la gravité —une des quatre forces fondamentales de l’Univers— peut « fuir » de ces autres dimensions, ce qui expliquerait pourquoi elle nous apparaît si faible par rapport aux autres forces —si faible que le Modèle standard, pour l’instant, ne peut pas l'expliquer.

C’est dans ce contexte que se situe l’idée de l’univers comme « objet quantique », une autre façon d'essayer de sortir de l’impasse. La théorie suggère de cesser de traiter les différentes échelles d’énergie de l’Univers séparément : aux plus grandes distances, de nature astronomique, correspondent les plus faibles énergies, et aux plus courtes distances, au niveau subatomique, correspondent les plus hautes énergies. Au lieu de cela, traitons ces différents niveaux d’énergie comme s’ils étaient liés les uns aux autres.

« Il peut sembler logique », décrit Heinrich Päs, que s’il y a une limite inférieure —la longueur de Planck— il puisse exister une limite « supérieure ». De fait, en étudiant les trous noirs à la fin des années 1990, Andrew Cohen et ses collègues de l’Université de Boston ont calculé qu’il y avait en théorie une énergie minimale en-dessous de laquelle le Modèle standard cessait d’être valide. Mais surtout, leurs calculs ont ouvert la porte à ce que ces deux limites, plutôt que devoir être analysées comme indépendantes l’une de l’autre, devraient être vues comme liées. L’une affecterait l’autre: un phénomène qui a été surnommé par les physiciens, en anglais, UV/IR mixing, en référence à l’ultraviolet (UV) et l’infrarouge (IR) qui, dans le spectre lumineux, sont aux deux extrémités et ne peuvent pas se « mélanger ».

Les tentatives pour appliquer ces calculs à l’énergie sombre ou à la masse du boson de Higgs n’ont pas donné de résultats probants jusqu'ici. Mais ils témoignent que les efforts que déploie la physique théorique pour sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouve depuis quelques décennies pourraient donner lieu à des ajouts  surprenants à notre compréhension de ce qui constitue la structure même de l’univers.

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