On parle beaucoup du dépassement imminent du seuil de 1,5 degré Celsius d’augmentation par rapport à avant la révolution industrielle. Il y a toutefois un problème: il pourrait s’écouter une dizaine d’années avant que tous les experts s’entendent sur le fait qu’on a bel et bien dépassé ce seuil.
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Parce qu’on parle de la température moyenne de l’ensemble de la planète sur un an, ce n’est donc pas le fait d’avoir dépassé ce seuil pendant deux jours —comme on l’a estimé en novembre— ou même un mois qui permet de dire qu’on a tourné la page. Ni même quand on l’aura dépassé pour la première fois pendant un an (ce qui pourrait être le cas au terme de 2023 ou de 2024): la raison étant que la température moyenne de la planète a beau augmenter depuis des décennies, elle augmente en dents de scie, ce qui veut dire qu’un record atteint une année n’est pas toujours battu dès l’année suivante.
De plus, l’insistance sur ce chiffre —un degré et demi— vient à l’origine d’une volonté politique: parce qu’il fallait fixer un seuil quelque part, « un degré et demi » était plus simple à retenir que 1,55 ou 1,45 degré. Lorsque cette cible a été inscrite dans l’Accord de Paris, elle restait vaguement définie. Mais à partir du moment où on s’en approche réellement, il va falloir s’entendre sur la façon dont on mesure son « dépassement ».
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Certains y ont déjà pensé: dans son dernier rapport, le Groupe d’experts des Nations unies sur le climat (GIEC) écrivait que le seuil serait officiellement dépassé lorsque le réchauffement moyen aurait dépassé 1,5 degré pendant deux décennies (ou dans leur jargon: la température moyenne d’une période de 20 ans par rapport à la moyenne 1850-1900).
Pour beaucoup d’experts, c’est trop conservateur, puisque ça se répercutera sur un délai supplémentaire. « Ça résultera probablement dans de la distraction et des délais quant au moment où des actions climatiques seront plus urgentes », écrivent 10 chercheurs britanniques dans un commentaire publié le 1er décembre par la revue Nature.
Ils proposent plutôt une combinaison des observations sur 10 ans avec les prévisions de la décennie suivante. Et surtout, ils recommandent que la formule retenue —que ce soit la leur ou une autre— soit formellement « adoptée pour être utilisée dans le contexte de l’Accord de Paris ». Autrement dit, que ce ne soit pas juste une mesure utilisée par les scientifiques, mais une norme sur laquelle s’entendent tous les pays.
« Si c’était adopté », résume l’auteur principal, Richard Betts, dans un communiqué du Bureau météorologique britannique (MET), « cela voudrait dire une mesure universellement acceptée de réchauffement climatique qui pourrait déclencher des actions immédiates pour éviter encore plus de hausses ».