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Sans fournir des preuves ni des données, un des directeurs, nommés par Donald Trump, de l’agence américaine responsable de l’approbation des médicaments (FDA), vient d'attribuer « au moins » 10 décès d’enfants aux vaccins contre la COVID. L’accusation pourrait préparer le terrain à des restrictions imposées aux vaccins en général.

L’affirmation est au coeur d'un courriel de 3000 mots envoyé aux employés de la FDA vendredi, 28 novembre, par Vinay Prasad. Celui-ci en a profité pour laisser entendre qu’il faudra renforcer les règlementations sur tous les vaccins, et non pas uniquement ceux contre la COVID. 

Mais la seule source utilisée dans son courriel pour appuyer cette affirmation est la plateforme VAERS (Vaccine Adverse Event Reporting System), un système qui permet à n’importe qui de publier ce qu'il croit être un effet secondaire d'un vaccin. Ceux qui gèrent VAERS prennent pourtant bien soin de souligner qu’un témoignage sur VAERS ne peut pas être considéré comme une preuve de quoi que ce soit: il s’agit d’une première alerte, que d’autres experts devront ensuite vérifier. 

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Et c’est ce qui s’est passé ces dernières années. Par exemple, une méta-analyse —ou synthèse d’études— parue en 2023 dans JAMA Pediatrics avait passé en revue 17 études couvrant 10 millions d’enfants de 5 à 11 ans qui avaient reçu le vaccin anti-COVID de Pfizer ou de Moderna: les enfants vaccinés étaient systématiquement moins à risque d’avoir été hospitalisés des suites du virus. Parallèlement, une étude parue en 2024 dans Nature Communications n’avait trouvé aucun risque d’effet secondaire grave chez les jeunes enfants après une vaccination contre la COVID.

Quant au courriel du 28 novembre, ont dénoncé les experts en fin de semaine —notamment dans la revue médicale STAT, la première à avoir mis la main sur cet envoi— il ne contient aucune donnée permettant d’en savoir plus sur les causes de ces présumés décès, qui se seraient étalés entre 2021 et 2024. Prasad suggère qu’il pourrait s’agir de myocardites —des problèmes cardiaques— mais sans en dire plus. Comme le rappelle le New York Times, quel que soit le problème médical, une telle annonce vient normalement avec des indications préliminaires sur l’âge des enfants, ou sur des maladies préexistantes, ou sur la façon dont le lien de cause à effet a été déterminé: a-t-on fait des autopsies pour déterminer la cause du décès, demande dans STAT Kathyrn Edwards, chercheuse de longue date sur les vaccins à l’Université Vanderbilt. Quel est l’écart de temps entre le vaccin et le décès? 

Il est également étrange, notent plusieurs critiques, qu’aucun vaccin ne soit identifié dans ce courriel, alors qu’il en existe plusieurs en circulation.  

Le courriel ne dit rien non plus sur une intention de publier des données, ce qui est la base pour asseoir la validité de toute affirmation en science —puisqu’à partir de cette publication, d’autres chercheurs peuvent examiner les données et mener à leur tour de nouvelles études.

Au final, la démarche derrière ce courriel est « irresponsable », dénonce le pédiatre Paul Offit, de l’Hôpital pour enfants de Philadelphie. Prasad « aurait dû soumettre cela à un excellent journal scientifique, où [les données] peuvent être révisées par des experts du sujet qui peuvent dire « oui, ce sont des preuves solides »… C’est comme ça que ça fonctionne. »

Vinay Prasad, qui était professeur au département d’épidémiologie de l’Université de Californie et spécialiste des médicaments contre le cancer avant d’être embauché à la FDA en mai 2025, est plus spécifiquement directeur du Centre pour l’évaluation biologique et la recherche: c’est un département de la FDA en charge d’évaluer et réviser les règlementations entourant vaccins, thérapies géniques ou réserves de sang. Pendant la COVID, Prasad s’est fait connaître pour son opposition aux mesures de luttes contre la COVID —des masques jusqu’aux vaccins— et pour le parallèle qu'il a tracé entre la réponse des États-Unis à la pandémie et les débuts du règle d’Adolf Hitler. Il a également écrit sur les risques de problèmes cardiaques chez les enfants à cause du vaccin contre la COVID, mais sans jamais préciser qu’il s’agissait de problèmes cardiaques mineurs, ni que les risques de tels problèmes étaient beaucoup plus élevés à cause du virus. 

En août dernier, la FDA avait annoncé qu’elle restreignait l’accès aux vaccins anti-COVID chez les plus de 65 ans. L’agence prépare-t-elle une interdiction totale de ces vaccins ou une sévère restriction quant à leur distribution ? Chose certaine, ce ne sont pas que ces vaccins qui sont sur la sellette: Prasad a laissé entendre dans le même message qu’il souhaite « réformer » la gestion du vaccin annuel contre la grippe de même que le calendrier de vaccination infantile. 

En mai 2025, à peine nommé à son nouveau poste, il avait co-signé avec le commissaire de la FDA —lui aussi nommé par Trump— un texte d’opinion dans le New England Journal of Medicine, où tous deux annonçaient que la FDA limiterait l’accès au vaccins contre la COVID aux personnes âgées —ce qui est maintenant fait— et qu’elle demanderait aux compagnies pharmaceutiques de mener de nouvelles études auprès des enfants et des jeunes adultes. 

Ce courriel arrive quelques jours avant une réunion de deux jours du comité aviseur sur les vaccins du CDC (Advisory Committee on Immunization Practices, ou ACIP), réunion qui doit commencer jeudi, 4 décembre. Il s’agit du comité dont le ministre de la Santé, Robert F. Kennedy Jr, avait mis à pied les 17 experts en juin dernier, pour les remplacer par des non experts, dont certains ont carrément nié l’utilité des vaccins. À l’ordre du jour de cette réunion figure une discussion sur le calendrier de vaccination infantile, et sur la légitimité de vacciner les bébés contre l’hépatite B.

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