Ces dernières années, les influenceurs en santé sont devenus de plus en plus… influents. Dès 2022, un sondage auprès de 2000 Américains révélait qu’un sur cinq consultait TikTok avant d’aller voir son médecin. Et il y a bien sûr tous ces influenceurs qui font la promotion de produits de santé pour lesquels ils sont payés.
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Dans l’édition du 3 décembre du British Medical Journal, six auteurs des États-Unis et d’Autriche analysent les quatre types de biais qui influencent les conseils médicaux donnés par les influenceurs : le manque d’expertise, l’influence de l’industrie, les intérêts entrepreneuriaux et les croyances personnelles. Chacun de ces biais est grossi (ou non) par les talents personnels de l’influenceur devant la caméra: ses capacités à créer des liens avec son auditoire ou à présenter un message convaincant.
L’exemple le plus connu du manque d’expertise, écrivent ces auteurs, est Kim Kardashian, « qui a encouragé ses 360 millions d’abonnés sur Instagram » à demander une IRM (imagerie par résonance magnétique) corporelle —en dépit du fait que les bénéfices d’un tel test, qui peut être très coûteux aux États-Unis, sont mitigés.
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Mais le biais le plus connu est l’influence de l’industrie. Les compagnies peuvent fournir des produits gratuits en espérant que l’influenceur en fera la promotion, ou simplement payer pour que leur produit soit vanté ou pour que l’influenceur en devienne un « ambassadeur »: qu’il s’agisse de tests d’IRM, de produits de beauté ou même de médicaments vendus sous prescription. Dans plusieurs pays, comme la France, une loi sur la publicité peut obliger l’influenceur à indiquer qu’il s’agit d’une publicité, mais « les pénalités sont rares ou minimes ». Dans un rapport publié en mai 2025, l’Autorité des normes de la publicité du Royaume-Uni estimait que seulement 57% des contenus publicitaires des influenceurs sur Instagram et TikTok étaient « adéquatement divulgués ».
Comme le rappelle un reportage du British Medical Journal publié en même temps que cette analyse, plusieurs influenceurs se sont fait reprocher, ces dernières années, « d’avoir promu des tests diagnostics sans preuves de bénéfices chez les populations en santé, avec des risques de surdiagnostics ». Des médecins ont pour leur part exprimé leurs craintes à cause de patients qui ont choisi d’opter pour des traitements « alternatifs ».
Et la crise de confiance à l’égard des médecins s’ajoute au problème. Une rencontre qui a laissé un patient insatisfait peut devenir un incitatif pour se tourner vers les réseaux sociaux.
Des pistes de solution? Les six auteurs soulignent que pour rendre redevable un influenceur quant à ses conseils de santé, un premier pas serait que les plateformes les rendent responsables de ce qu’ils écrivent, de la même façon que dans un média. On donne l’exemple de l’Italie, où les influenceurs ayant une large portée doivent s’enregistrer auprès de l’autorité nationale des médias et s’engager à se conformer à un code de conduite, qui inclut « d’éviter du contenu trompeur ou dommageable pour la santé ». La Loi européenne sur les services numériques (Digital Services Act) est également perçue par ces six auteurs comme un pas dans la bonne direction.
« Des régulations gouvernementales renforcées, une modération des plateformes et une meilleure littératie numérique » sont des incontournables, résume l’éditorial du British Medical Journal. « Les plateformes devraient récompenser l’information fiable, mettre en valeur les sources et rendre visibles les algorithmes de recommandation. »
Mais le milieu médical a lui aussi son bout de chemin à faire en terme de littératie numérique, pour mieux comprendre comment ces influenceurs et ces plateformes façonnent le discours sur la santé et les perceptions des patients. Des perceptions tellement mal connues des médecins qu'à l’heure actuelle, « le patient et le clinicien peuvent s’asseoir dans la même salle d’examen et pourtant, habiter des mondes entièrement différents ».




