Chercheurs et médecins du monde entier sont engagés dans une course contre la montre face au coronavirus, en testant des traitements ou des médicaments, faute d’avoir un vaccin. Souvent citées dans les médias, la chloroquine et son dérivé l’hydroxychloroquine, sont perçues par plusieurs comme un médicament miracle à cause de leurs propriétés antivirales. Mais qu’en est-il vraiment par rapport aux autres médicaments possédant les mêmes propriétés? Le Détecteur de rumeurs isole 4 éléments à retenir.
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Il faut d’abord rappeler que deux grandes approches sont actuellement testées contre le SARS-CoV-2, le virus responsable de la maladie Covid-19 : d’une part, des médicaments à effets antiviraux, pour combattre directement le virus et d’autre part, des médicaments qui, comme la colchicine, agissent sur le système immunitaire, dans l’espoir de contrôler la réaction inflammatoire de notre organisme face au virus. Le Détecteur de rumeurs consacrera un article séparé à cette deuxième approche.
4 faits à retenir
- Un antiviral n'est pas un vaccin
- Certains antiviraux suscitent plus d'espoirs que d'autres
- Il y a toujours des risques
- Plus d'une centaine d'essais cliniques sont actuellement en cours
1) Un antiviral n’est pas un vaccin
Pour comprendre l’utilité des antiviraux ou de tout médicament utilisé pour ses propriétés antivirales, il faut savoir comment fonctionne un virus. Quand celui-ci pénètre un organisme — un animal ou un humain — il utilise les cellules de son hôte pour se multiplier. Normalement, cette multiplication du virus entrainera une réaction de défense du système immunitaire. Sauf qu’avec le SARS-CoV-2, le système immunitaire fait face à un ennemi qu’il n’a jamais rencontré: résultat, plusieurs patients n’ont pas une réponse immunitaire suffisante, c’est-à-dire que leur corps ne peut éviter la multiplication du virus. Cela peut conduire à une aggravation de leur état. Dans certains cas, la réponse immunitaire s’emballe au point de provoquer une forte inflammation, dans les tissus pulmonaires notamment. La détresse respiratoire aiguë qui survient alors peut entraîner la mort.
Les antiviraux ont pour objectif d’empêcher l’entrée du virus, ou de nuire aux mécanismes qu’il utilise pour se multiplier, une fois entré. Ils n’ont donc pas le pouvoir d’éradiquer le virus avant qu’il n’attaque les cellules, ce que seul un vaccin peut faire. Mais ils peuvent limiter la quantité de virus se reproduisant dans notre organisme, ce qui limite sa capacité à faire des dégâts.
Généralement, les antiviraux sont plus efficaces s'ils sont administrés peu de temps après l'infection d'une personne, soit dès l’apparition des symptômes. Cela leur permet de ralentir la réplication du virus alors qu'il est encore à de faibles niveaux. Mais dans le cas de l’actuelle pandémie, leur efficacité dans la population deviendra incertaine s’il devait s’avérer qu’un nombre indéterminé de gens contagieux n’ont pas de symptômes.
2) Les antiviraux qui suscitent de l’espoir
On a beaucoup entendu parler de la chloroquine, utilisée contre la malaria, et de son dérivé, l'hydroxychloroquine, utilisée contre le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde. L’intérêt a été ravivé à la mi-février quand des chercheurs chinois ont suggéré qu’elles avaient une activité antivirale sur le SARS-CoV-2, in vitro. En France, Didier Raoult et son équipe ont conclu à l'efficacité de l'hydroxychloroquine associée à l'azithromycine, un antibiotique. Mais de nombreux scientifiques ont relevé les faiblesses méthodologiques de ces études dont les résultats n’ont pas été publiés dans une revue scientifique à comité de lecture indépendant.
Toutefois, il y en a d’autres. Selon une revue des médicaments potentiels publiée le 13 avril dans le Journal de l’Association médicale américaine (JAMA), le traitement le plus prometteur à l’heure actuelle est le remdesivir, un médicament développé contre l’Ebola, en raison de sa puissante activité in vitro contre plusieurs coronavirus, dont le SRAS-CoV-2.
Une étude parue le 10 avril dans The New England Journal of Medicine rapporte une amélioration clinique chez les deux tiers des 53 patients hospitalisés qui ont reçu du remdesivir. Et une étude menée à l’Université de Chicago montrerait, selon le magazine Stat News, que le médicament semble faire rapidement baisser la fièvre et les symptômes respiratoires. Ces résultats ne concernent que 125 des 2400 participants atteints sévèrement de la COVID-19.
Un essai clinique avec placebo incluant un millier de patients a aussi montré des résultats encourageants. Les données préliminaires, annoncées le 29 avril, indiquent que le remdesivir aide les malades hospitalisés à se rétablir 31 % plus vite. Il faudra toutefois attendre les conclusions de ces essais pour statuer sur l’efficacité de cette molécule.
L'ivermectine, utilisée pour traiter des infections parasitaires comme la gale ou l'onchocercose (une maladie des yeux et de la peau causée par un ver), aurait permis de réduire la charge virale de 99,98 % en moins de 48 heures lors de tests in vitro menés par des chercheurs australiens. L'ivermectine ralentirait suffisamment la prolifération du virus pour permettre au système immunitaire de reprendre le dessus. Ces résultats n’ont cependant été obtenus qu’in vitro.
Les données sur la combinaison de deux médicaments anti-VIH, le lopinavir et le ritonavir reposent sur des rapports de cas et de petites études. Elles suggèrent toutefois un rôle limité du traitement et de nombreux effets indésirables, notamment gastro-intestinaux.
Les données d'efficacité non concluantes avec la ribavirine pour d'autres coronavirus (SRAS et MERS) et sa toxicité substantielle, suggèrent qu'elle a une valeur limitée pour le traitement de la Covid-19.
3) Il y a des risques
Plusieurs experts mettent en garde contre l’utilisation prématurée des antiviraux, en raison de leurs effets indésirables potentiellement graves. L’article du JAMA en donne un aperçu. Parmi ces effets, on lit les arythmies cardiaques, l’hypoglycémie, des effets neuropsychiatriques (agitation, confusion, hallucinations, paranoïa) et une aggravation des lésions hépatiques.
Une surdose de chloroquine ou d’hydroxychloroquine peut, quant à elle, provoquer des convulsions, un coma et un arrêt cardiaque. En France, l'Agence du médicament (ANSM) a averti, le 30 mars, que les traitements testés contre la Covid-19, comme l'hydroxychloroquine ou le Kaletra (un antirétroviral associant lopinavir/ritonavir), pouvaient entraîner des effets indésirables graves et ne devaient « en aucun cas » être utilisés en automédication.
Les médecins craignent également que l’hydroxychloroquine vienne à manquer pour les patients qui en ont besoin pour traiter leur polyarthrite rhumatoïde. La molécule est d’ailleurs sur la liste des médicaments en pénurie au Canada.
4) Plus d’une centaine d’essais sont en cours
Plusieurs essais sur tous ces antiviraux sont en cours un peu partout dans le monde. Le site Clinical Trials recense une centaine d’études avec les mots-clefs « Covid-19 » et « antiviral ». Elles portent notamment sur la chloroquine, l’hydroxychloroquine, la combinaison lopinavir/ritonavir, le remdesivir, la ribavirine et le favipiravir.
Parmi ces études, une est menée au Centre universitaire de santé de l’Université McGill. Elle vise à évaluer si l’hydroxychloroquine peut empêcher les gens de contracter la Covid-19 après une exposition au virus et si elle peut réduire les complications et les décès liés à la maladie.
Ce produit fait aussi partie de ceux testés dans le cadre de l’essai Discovery mené sur 3200 patients européens hospitalisés. Sont aussi testés le remdesivir, une combinaison lopinavir-ritonavir, ainsi que ce combiné associé à l’interféron bêta, utilisé pour traiter la sclérose en plaques.
Cet essai va compléter les données qui seront recueillies par Solidarity, un essai clinique international chapeauté par l’Organisation mondiale de la santé et qui porte sur les mêmes molécules.
Texte mis à jour le 30 avril avec l'ajout du paragraphe sur l'essai clinique sur le remdesivir paru le 29.