Il a beaucoup été question de l’approche de la Suède depuis le début de la pandémie. Sa gestion de la crise, assez unique, lui a valu de nombreuses critiques. S’agit-il d’un échec ou le verdict est-il encore à venir?
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1) La Suède prétend viser l’immunité collective ? Faux.
Bien que plusieurs personnes en doutent, la position officielle des autorités suédoises depuis le début de la crise de la COVID-19 est qu’elles ne poursuivent pas une stratégie d’immunité collective —c’est-à-dire une stratégie qui consisterait à laisser le virus circuler librement pour faire en sorte que les citoyens y soient peu à peu immunisés. L’épidémiologiste en chef de l’Agence de santé publique de Suède, Anders Tegnell, parle plutôt d’une approche « souple », basée sur le volontariat et la prise de responsabilités individuelles.
Concrètement, cela signifie que la population suédoise n’a jamais été forcée de se confiner. Seuls les rassemblements de plus de 50 personnes, les voyages non essentiels et les contacts rapprochés avec les personnes âgées, sont interdits.
Les cafés, restaurants et bars, sont demeurés ouverts. Même chose pour les écoles destinées aux moins de 16 ans. Le télétravail est encouragé et les mesures de distanciation physique sont martelées.
2) Le taux de mortalité de la COVID-19 en Suède est plus élevé qu’ailleurs ? Ça dépend.
Au début de juin, le taux de décès lié au nouveau coronavirus était de 450 morts par million de personnes en Suède, selon le site Internet Worldometer. Ce chiffre place le Royaume de Suède parmi les 10 pays qui présentent les plus hauts taux de décès liés à la COVID-19.
Si l'on compare la Suède à ses proches voisins, cela la plaçait, toujours au début de juin, loin devant le Danemark (99 décès par million d’habitants), la Finlande (57) et la Norvège (44), qui ont tous instauré des mesures de confinement. En revanche, elle fait mieux que des pays où la pandémie a été particulièrement meurtrière, comme l’Espagne (580), le Royaume-Uni (567) et l’Italie (555). Et mieux qu’au Québec, où le taux de mortalité était, au début du mois, d’un peu plus de 550 décès par million de personnes.
Ces chiffres doivent toutefois être relativisés: chaque État compile à sa manière les morts sur son territoire. C'est ce qui mène certains experts, comme l’épidémiologiste Nimâ Machouf, chargée de cours à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, à affirmer qu'il faut plutôt comparer la Suède à ses voisins nordiques, où la « composition démographique est similaire ».
Dans une entrevue accordée le 3 juin à la radio publique suédoise, Anders Tegnell semblait admettre que le nombre de décès était trop élevé et qu’il y avait « de toute évidence un potentiel pour de l’amélioration ».
3) Parce qu’il n’y a pas eu de confinement en Suède, l’économie se porte mieux ? Pas vraiment.
Confinement strict ou non, les Suédois ont certainement modifié leurs habitudes quotidiennes. Selon des données publiées par Google en mai, ils ont moins consommé et se sont moins déplacés qu’avant la pandémie, en plus d’avoir déserté les bureaux.
Cela a eu entre autres pour effet de plomber leur économie. Dans un communiqué de presse émis à la fin d’avril, la Riksbank, banque centrale de Suède, avait publié ses prévisions économiques pour 2020. Il y était question d’une contraction du produit intérieur brut (PIB) de l’ordre de 6,9 % à 9,7 %, selon deux scénarios proposés, l’un conservateur, l’autre catastrophiste.
« Les conséquences [de la COVID-19] sur l’économie vont dépendre de la propagation du virus et de la durée des mesures de restriction mises en place pour l’endiguer », soulignait la Riksbank.
En comparaison, le Danemark, pays voisin de la Suède, prévoit que son économie va se contracter de 5,3% en 2020. Même chose en Norvège, qui s'attend à une chute de 5,2% de son PIB.
4) L’absence de confinement a permis à un bon pourcentage de la population d’acquérir une immunité? Non
Les premiers résultats d'une étude menée par l’Agence de santé publique de Suède (et toujours en cours) indiquent que seulement 7,3 % des Stockholmois avaient développé des anticorps contre la COVID-19 à la fin d’avril. L'étude a été dévoilée le 20 mai.
Ce taux est bien en deçà des attentes. Pour rappel, l’ambassadrice de Suède aux États-Unis prétendait il y a un mois que Stockholm atteindrait « un certain niveau d’immunité », allant jusqu’à affirmer qu’environ 30 % des habitants de la capitale auraient déjà été infectés par le nouveau coronavirus. Selon l’Agence de santé, ce n’est manifestement pas le cas.