Tour à tour louangé ou désavoué, le port du masque semble avoir finalement gagné ses lettres de noblesse dans la majorité des pays qui ont enclenché leur déconfinement. Mais la teneur exacte de son efficacité reste difficile à établir. Le Détecteur de rumeurs survole 4 mythes tenaces sur le masque.
1) Porter un masque diminue le taux d’oxygène dans le sang ? Faux.
Le masque laisse aisément passer les molécules d’oxygène. La preuve : le cœur d’une personne qui le porte n’a pas à battre plus rapidement pour combler ses besoins en oxygène, d’après une étude publiée dans le Journal of Biological Engineering en 2016.
Le Dr Alain Vadeboncoeur, de l’Institut de cardiologie de Montréal, a d’ailleurs fait le test au mois de juillet. Il a porté successivement une visière, un masque chirurgical et un masque N95 pendant quelques minutes. Résultat : son taux d’oxygène est demeuré à 98 % ou 99 % (un taux de 95 % et plus étant considéré comme normal). Même en doublant, en triplant et en quadruplant les protections sur son visage, la saturation en oxygène de son hémoglobine s’est maintenue. Plus de détails dans ce texte du Détecteur de rumeurs.
2) Le masque sert avant tout à se protéger soi-même ? Faux.
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Le masque protège avant tout l’entourage de celui qui le porte. Il bloque ainsi la majorité des particules que cette personne émet en toussant, en éternuant, mais aussi en parlant ou en respirant. Or, c’est là le mode principal de transmission du virus, d’après la Royal Society en Grande-Bretagne et le Centre de contrôle des maladies (CDC) aux États-Unis.
3) Le masque nuit au système immunitaire de la personne qui le porte ? Faux.
Les adeptes de cette théorie avancent qu’en portant le masque, une personne respire le gaz carbonique qu’elle émet. Elle risque ainsi d’être atteinte d’hypercapnie (taux excessif de gaz carbonique dans le sang), ce qui affaiblit son système immunitaire.
Dans les faits, les masques sont conçus pour bloquer les gouttelettes. Ils ne sont pas suffisamment étanches pour empêcher des molécules gazeuses, comme le gaz carbonique ou l’oxygène, de passer au travers.Les professionnels de la santé portent d’ailleurs des masques pendant des heures, sans que le taux de gaz carbonique dans leur sang ne change, fait remarquer la chercheuse de l’Hôpital des enfants malades de Toronto, Victoria Forster. Cette dernière souligne que l’hypercapnie peut entraîner de la confusion, une perte de conscience, des difficultés respiratoires et même la mort.
Des internautes craignent aussi qu’en portant le masque, ils seront moins en contact avec des microbes ou des bactéries. Leur système immunitaire deviendra ainsi paresseux, selon eux, et il sera moins en mesure de répliquer à la prochaine attaque de micro-organismes étrangers. En réalité, même en portant le masque une bonne partie de la journée, il y a bien d’autres moyens d’attraper un microbe ou une bactérie, en mangeant une pomme ou en embrassant son partenaire de vie, par exemple.
4) Porter un masque donne un trop grand sentiment de sécurité et compromet les efforts pour freiner la propagation du virus ? Plutôt faux.
Les autorités de santé publique auraient craint, ont-elles dit, que les citoyens portant le masque, animés par un faux sentiment de sécurité, négligent d’autres mesures sanitaires, telles que la distanciation physique et le lavage des mains.
Les auteurs d’une revue de la littérature scientifique pré-publiée en avril et intitulée Face Masks Against COVID-19: An evidence review ont conclu qu’il était peu probable qu’un tel laisser-aller élimine les bénéfices apportés par la généralisation du masque. En s’appuyant sur la littérature scientifique produite notamment à la suite de l’entrée en vigueur de l’obligation de boucler la ceinture de sécurité en voiture ou de porter le casque en moto, ils soulignent que ces mesures n’ont pas entraîné un regain des comportements risqués, mais qu’elles ont suscité un plus grand sentiment de sécurité.
La Royal Society avance le même argument dans son document.
5) Les masques N95 sont les plus efficaces? Vrai
Certains masques sont meilleurs que d’autres. Ainsi, les seuls qui bloquent au moins 95% des particules transportées par les gouttelettes que nous projetons sont les fameux masques N95, qui sont équipés d’un appareil de filtration de très petites particules. C’est pourquoi ce sont ceux qui doivent être utilisés en priorité par le personnel soignant.
Les masques chirurgicaux —qui répondent à des normes précises suivant les pays— sont également reconnus pour leur efficacité, notamment par l’Agence américaine des produits alimentaires et des médicaments (FDA) et le CDC.
Pour autant, cela ne veut pas dire que le port des masques autres que chirurgicaux est inutile, mais plutôt que leur efficacité nécessite un effort commun et réciproque. Comme l'écrivent les auteurs de la revue de la littérature scientifique Face Masks: «si chaque personne porte un masque pour diminuer le risque qu’elle soit, sans le savoir, en train de contaminer quelqu'un, alors chacun s’en trouve plus protégé.»
Il a en effet été démontré ces derniers mois que les personnes peuvent être contagieuses même si elles ne présentent pas de symptômes: l’existence de ces « asymptomatiques » est devenue un argument supplémentaire pour le port de masques, y compris des masques non médicaux, estiment les auteurs de Face Masks. Même son de cloche dans une revue de la littérature publiée au début de mai par la Royal Society, et dans une tribune de chercheurs publiée fin mai dans Annals of Internal Medicine, Cette dernière conclut que, bien qu'on ne soit pas totalement sûr que le masque en tissu protège réellement l'entourage ou même celui qui le porte, un bénéfice même minime en termes de réduction de la transmission communautaire, dans un contexte de pandémie, n’est pas à négliger.
6) Les autorités ont-elles changé d’idée sur l’utilité du masque ? Oui et non.
Autant aux États-Unis qu’au Canada, les autorités publiques ont, au début de la pandémie, déconseillé le port du masque. Puis, elles l’ont fortement suggéré là où les mesures de distanciation physique ne peuvent pas être respectées, voire l’ont rendu obligatoire dans les lieux publics.
L'une des raisons expliquant ce changement de direction a été la crainte de la rupture de stocks, particulièrement en masques N95 et chirurgicaux, d’après Face Masks. « Les stratégies pour gérer ces réserves critiques ont été d’en appeler au public à réduire son usage de masques médicaux », écrivent les auteurs.
Il est également possible qu’un autre argument ait joué. Dans le passé, le masque ne faisait pas l’unanimité et quelques études avaient bel et bien conclu que le port du masque ne protégeait pas contre l’influenza ou contre le rhume, notamment.
7) Peut-on chiffrer la réduction du risque quand on porte un masque ? Non.
D’une part, la recherche s’entend de plus en plus sur le fait que la majorité des gens contaminés l’ont été par une exposition directe à une personne déjà contaminée et souvent sans symptômes —donc, par les gouttelettes que cette personne émet en parlant. D’autre part, on mesure de mieux en mieux le pourcentage de gouttelettes qu’un masque peut bloquer. Par conséquent, peut-on mettre un chiffre, comme des memes l’ont suggéré, sur la réduction du risque de transmission du virus quand on porte un masque?
Comme le fait valoir la rubrique de vérification des faits Les Décodeurs, la recherche n’est pas rendue là: la transmission de personne à personne dépend de trop de facteurs, allant du lieu où ces deux personnes se trouvent (espace ouvert ou fermé, climatisation, etc.) à la durée pendant laquelle ces personnes ont été en contact en passant par la charge virale de la personne contaminée.
Ce texte a été mis en ligne le 9 juin 2020. Il a été mis à jour le 10 août 2020 avec l'ajout des infographies et du mythe no 3.