Si l’activité solaire se mettait à diminuer, comme elle l’a fait il y a 350 ans, irions-nous vers un âge glaciaire ? Le Détecteur de rumeurs distingue les faits de la spéculation.
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L’origine de la rumeur
La Terre serait sur le point d’entrer dans une courte ère glaciaire de 30 ans, « selon les scientifiques » —du moins, s’il faut en croire ce qu’ont relayé plusieurs messages sur les médias sociaux depuis janvier. La cause serait un « grand minimum » solaire, c’est-à-dire une période pendant laquelle l’activité du Soleil diminue de façon significative.
La théorie est défendue par l’astrophysicienne Valentina Zharkova, de l’Université britannique de Northumbria, qui en parle depuis au moins 2015. À l’époque, une déclaration à ce sujet avait attiré l’attention de plusieurs médias, avant que la chercheure ne se rétracte pour affirmer qu’elle n’avait pas prédit une ère glaciaire, tout en disant qu’il pourrait y en avoir une.
Elle a récidivé dans un article scientifique publié en juin 2019 où, cette fois, elle prédisait clairement une diminution imminente de la température planétaire de pas moins de 1 degré, à cause d’une diminution selon elle imminente de l’activité solaire. Pour pallier la contradiction entre son calcul et les données qui concluent depuis longtemps à un rôle marginal des cycles solaires, elle a construit une théorie sur des variations supposées de l’orbite de la Terre qui expliqueraient cette baisse de température. En dépit des nombreuses critiques et des appels à étayer sa théorie, elle n’a pas fourni jusqu’ici les données nécessaires. Le 4 mars, la revue Scientific Reports annonçait qu’elle retirait l’article.
En janvier, la rumeur était réapparue sur les médias sociaux, jusqu’à être reprise par deux des journaux britanniques réputés pour leurs titres sensationnalistes. Le 2 février par exemple, le Sun titrait « La Terre est sur le point d’entrer dans un mini âge glaciaire avec des pointes de moins 50 degrés, préviennent des scientifiques ». Son titre a été modifié le 10 février pour « Les affirmations selon lesquelles la Terre va entrer dans un âge glaciaire de 30 ans sont fausses, révèlent des scientifiques réputés ».
À propos de l’activité solaire
En réalité, seule une petite poignée de scientifiques affirme que l’activité solaire serait « sur le point » de diminuer de façon significative. Mais ce n’est pas parce que le scénario est invraisemblable : de telles diminutions se sont déjà produites, et elles vont se produire à nouveau. C’est plutôt parce qu’on est incapable de prédire l’arrivée d’un tel « grand minimum ».
Ce que l’on sait :
- le Soleil suit des cycles d’environ 11 ans, caractérisés par des hauts et des bas dans son activité; les taches à sa surface sont des indicateurs de la vigueur de cette activité;
- il y a débat sur le moment exact où se terminera le cycle actuel, mais les astrophysiciens semblent s’entendre pour le placer d’ici la fin de 2020;
- à des intervalles plus longs, qui nous sont inconnus, l’activité solaire diminue de façon importante et le dernier événement de ce genre, appelé « minimum de Maunder », a duré de 1645 à 1715.
« Les scientifiques » évoqués dans cette rumeur s’appuient sur le fait que le présent cycle a été de plus faible magnitude que les précédents. Ils en déduisent que sa fin coïncidera avec une diminution encore plus importante de l’activité solaire. Aucune donnée probante ne permet de soutenir cette idée.
À propos de l’impact de l’activité solaire sur le climat
Certains associent le « minimum de Maunder » à ce que les historiens appellent le « petit âge glaciaire », une époque qui, bien qu’elle n’ait rien de « glaciaire », est effectivement caractérisée par trois courtes périodes de refroidissement par rapport à la moyenne des siècles précédents.
Il y a deux problèmes avec cette association : le premier est qu’on évoque aussi parmi les causes de ce refroidissement une activité volcanique accrue et des changements dans la circulation des grands courants océaniques. Et le deuxième est qu’il existe plusieurs définitions contradictoires du petit âge glaciaire. Ses dates de début et de fin ne font pas l’unanimité. Mais elles couvrent chaque fois une période plus longue que les années 1645-1715.
Si on supposait, malgré tout, que le Soleil aurait bel et bien pu avoir un impact sur ce refroidissement, quel impact un « grand minimum » solaire pourrait-il avoir sur nous, aujourd’hui ?
Il faut d’abord savoir qu’il y a deux objections à une influence dominante des cycles solaires. La première est qu’il n’y a aucune corrélation entre les cycles de 11 ans et les variations de la température moyenne sur Terre. Autrement dit, les années où nous recevons davantage de ce que les experts appellent l’irradiance, ou l’énergie émise par le Soleil, ne correspondent pas aux années où il fait plus chaud. La deuxième objection est que même les différences entre ces cycles ne montrent pas de corrélation avec l’évolution des températures moyennes: par exemple, bien que le cycle actuel soit plus faible que le précédent, cela n’a pas empêché que les cinq années les plus chaudes depuis un siècle et demi ont été enregistrées… depuis cinq ans.
S’il n’a pas un rôle dominant, quel rôle le Soleil a-t-il ? En tenant compte entre autres des variations régionales, des nuages, des volcans, des gaz à effet de serre, des polluants dans l’air, différentes études (par exemple, ici et ici) lui ont attribué un rôle marginal dans le réchauffement climatique de la deuxième moitié du 20e siècle. En 2010, une étude allemande avait évalué que si un « grand minimum » devait durer jusqu’à la fin du siècle, cela se traduirait par une baisse de la température moyenne de 0,2 à 0,3 degré Celsius: suffisamment pour ralentir le réchauffement, mais pas pour l’interrompre puisque, dans l’état actuel des choses, c’est d’au moins un degré, et peut-être même de deux degrés, que la température pourrait croître d’ici 2100. D’autres études, comme celle-ci et celle-ci, sont arrivées également à des estimations de moins de 0,3 degré.
Verdict
Si le Soleil nous prépare un « grand minimum », il est impossible de le prévoir à l’avance. Et s’il y en a un, son impact sera insuffisant pour contrer l’effet de nos gaz à effet de serre.