Un rapport du Vérificateur général du Canada concluait en avril que Santé Canada n’avait « pas permis de garantir l’innocuité et l’efficacité » des produits de santé naturels. Un résultat qui n’étonne pas quand on connait le processus et les critères d’approbation. Le Détecteur de rumeurs explique.
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Au Canada, les produits de santé naturels (PSN) sont définis comme des « substances naturelles utilisées pour rétablir ou maintenir une bonne santé ». Ils peuvent être fabriqués à partir de plantes, d’animaux et de microorganismes provenant de milieux marins ou terrestres. Ils comprennent notamment les vitamines et minéraux, les plantes médicinales, les remèdes « traditionnels » et homéopathiques, ainsi que les probiotiques, les acides aminés et les acides gras essentiels.
Pour être vendus au pays, ils doivent, depuis 2004, obtenir un numéro de produit naturel (NPN) ou de remède homéopathique (DIN-HM) de huit chiffres en vertu du Règlement sur les produits de santé naturels. Ce numéro, qui figure sur l'étiquette du produit, confirme qu’il a été examiné et que la vente a été approuvée par Santé Canada.
PSN versus médicaments
Pour obtenir ce numéro, les fabricants ou importateurs de PSN doivent fournir à Santé Canada des renseignements détaillés sur la composition, la dose recommandée, les ingrédients médicinaux et non médicinaux, l’usage suggéré et les contre-indications de leurs produits, ainsi que des preuves de leur innocuité (sécurité), efficacité et qualité.
Ces preuves peuvent inclure des résultats d’essais cliniques ou des renvois à des études publiées, mais il peut aussi s’agir simplement d’articles sur des pharmacopées ancestrales (de médecine ayurvédique, par exemple). En comparaison, les compagnies pharmaceutiques qui veulent mettre en marché un médicament doivent obligatoirement soumettre à Santé Canada leurs études précliniques, demander une autorisation d’essais cliniques, en présenter les résultats et se soumettre à des inspections.
Un numéro, gage d’efficacité?
Santé Canada considère qu’un PSN est sécuritaire si ses bienfaits l’emportent sur les risques qu’il pose lorsqu’il est utilisé comme prévu et selon les indications du fabricant. Il est jugé efficace lorsque des preuves attestent que le produit peut faire ce que décrivent les allégations thérapeutiques du fabricant. Par exemple, l’indication « Soulage les symptômes du rhume » sera refusée si Santé Canada sait que ce n’est pas prouvé scientifiquement, mais la mention « Aide à soulager les symptômes du rhume » pourrait être autorisée.
Santé Canada met en ligne les monographies de plus de 200 produits de santé naturels à ingrédient unique (ginkgo biloba, psyllium, valériane, etc.) et d’une quarantaine de produits naturels dont la formulation compte plus d’un ingrédient. Ces fiches techniques doivent aider les fabricants à préparer leur demande de licence de mise en marché sans avoir à fournir de preuves quant à l’innocuité, à l’efficacité et à la qualité de leur produit. On y trouve les caractéristiques des ingrédients et produits, incluant leurs propriétés, conditions d’utilisation et d’entreposage, doses, risques, etc.
Ce processus a soulevé son lot de critiques parce qu’il est beaucoup moins exigeant que celui imposé lorsqu’il s’agit de médicaments. Des journalistes de l’émission Marketplace, diffusée à la télé anglaise de Radio-Canada, en ont montré les failles en 2015. En suivant la procédure de Santé Canada, ils ont fait approuver un produit bidon en s’appuyant sur des pages photocopiées d’une encyclopédie homéopathique de 1902. Santé Canada s’était alors défendu en disant que le produit répondait aux standards de qualité exigés.
Autre lacune dans le processus d’homologation des PSN : Santé Canada peut ordonner de cesser de vendre les produits, les saisir, mettre la population en garde ou demander un rappel volontaire, mais il ne peut exiger le changement d’une étiquette ni le rappel obligatoire d’un PSN, même si le produit présente un risque grave à la santé, comme cela se fait avec les médicaments.
Santé Canada semble conscient des lacunes de son processus puisqu’il a accepté toutes les recommandations liées à la sécurité des PSN contenues dans le rapport du Bureau du vérificateur général d’avril 2021. Ce rapport fait notamment état de produits élaborés avec des matières premières périmées, de mauvais dosages d’ingrédients actifs et d’effets secondaires graves pouvant même conduire à l’hospitalisation. Cela s’ajoute à la réforme de l’encadrement des PSN entreprise par le Ministère en 2016.
Verdict
L’homologation de Santé Canada donne l’impression que les PSN peuvent soigner. Mais leur efficacité n’a pas été démontrée. Le consommateur court ainsi le risque de suivre un traitement inutile, au détriment d’un traitement qui serait véritablement efficace.
Ce texte est le premier de trois du Détecteur de rumeurs sur les produits de santé naturels. Voyez le deuxième ici et le troisième ici.
Photo: Monika Stawowy / PxHere