Un peu plus de deux ans après l’apparition de la COVID-19, on entend de plus en plus dire qu’elle pourrait « finalement » devenir endémique. Un terme qui semble bien mal compris. Le Détecteur de rumeurs remet les pendules à l’heure.
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L’origine des mots
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Une maladie infectieuse est considérée endémique lorsqu’elle sévit dans une région ou une population, mais sans nécessairement progresser. L’Agence européenne du médicament parle d’une circulation permanente et relativement constante dans une population, avec une évolution prévisible.
En comparaison, une épidémie réfère à la propagation rapide d’une maladie dans une région ou une population: autrement dit, le nombre de cas augmente.
Quant à une pandémie, c’est une épidémie qui s’est propagée sur plusieurs continents.
Il n’existe toutefois pas de frontière claire entre l’épidémie et l’endémie. En fait, certaines maladies comme la grippe saisonnière sont dites « endémo-épidémiques » parce qu’elles reviennent chaque année, mais évoluent par pics, avec des hauts et des bas. C’est un des scénarios évoqués pour l’avenir du SRAS-CoV-2, le virus responsable de la COVID.
1) Devenir endémique signifie la disparition du virus? Faux
De la même façon que c’est l’OMS qui avait déclaré en mars 2020 qu’on était passé à une phase pandémique, c’est elle qui devrait sonner la fin de cette phase. Mais cela ne voudra pas dire que le SRAS-CoV-2 aura disparu. Endémique signifie « que c’est là pour toujours », prévenait le mois dernier le directeur des urgences de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Michael Ryan.
Autrement dit, le virus va probablement continuer de circuler à travers le monde, avec des hauts et des bas, en fonction de l’immunité des populations et des nouveaux variants.
On pourra toutefois dire qu’on est passé dans cette nouvelle phase lorsque les nouvelles infections se produiront à un rythme relativement constant, par opposition aux grandes vagues imprévisibles des deux dernières années. Comme le résumait un article du magazine de vulgarisation britannique The New Scientist le 18 janvier, le virus continuera de se propager, mais en moyenne, chaque personne infectée ne le transmettra qu’à une seule autre. Et ce, pendant une période suffisamment longue, précisait en octobre l’épidémiologiste et directeur de l’Institut de santé globale de l’Université de Genève (Suisse), Antoine Flahault. Il y aura donc moins de personnes hospitalisées, moins de décès et moins de cas de COVID longue.
2) L’endémie mettra fin aux mesures sanitaires ? Pas nécessairement
La plupart des experts s’entendent pour dire qu’une éventuelle transition de la pandémie à l’endémie ne signifie pas que les restrictions, comme le port du masque et la limitation des rassemblements sociaux, prennent automatiquement fin. L’OMS précise même que ce passage d’une phase à l’autre ne devrait pas se traduire par un relâchement sanitaire.
3) Une maladie endémique est moins grave? Pas nécessairement
Une maladie endémique n’est pas forcément moins grave. En effet, le terme caractérise la vitesse à laquelle une maladie circule, mais pas ses symptômes.
Ainsi, des maladies comme la dengue, la tuberculose et la malaria, qui tuent des centaines de milliers de personnes chaque année, sont considérées comme endémiques: elles ne frappent « que » dans certaines régions du monde et sont relativement « stables ».
Il est certes fréquent qu’avec le temps, les virus deviennent moins virulents, une fois qu’ils se sont établis au sein d’une population. Mais il n’y a aucune certitude. Certains experts ont prédit que le virus responsable de la COVID-19 diminuerait en gravité à mesure qu’il atteindrait un niveau endémique, un peu comme la grippe. La circulation permanente du virus ferait en sorte que notre immunité serait régulièrement stimulée et se renforcerait à chaque nouvelle rencontre avec le SRAS-CoV-2. Dans ce scénario, les manifestations cliniques du virus deviendraient moins sévères, au fur et à mesure qu’une population deviendrait mieux protégée. Une dose de rappel du vaccin serait nécessaire uniquement pour les personnes vulnérables, au moment où la circulation du virus s’accélérerait à nouveau.
Ces mêmes experts restent toutefois prudents puisqu’il est difficile de prédire l’évolution de la virulence d’un virus et qu’actuellement, il n’y a pas de pression de sélection pour que le SRAS-CoV-2 s’adoucisse, déclare au New Scientist Aris Katzourakis, professeur en biologie de l’évolution à l’Université Oxford. La raison étant que ce virus se répand surtout pendant les premiers stades de l’infection, avant que la personne tombe malade. Si au contraire, poursuit-il, le virus envoyait tout de suite son « hôte » à l’hôpital, les personnes infectées seraient très vite isolées et l’évolution favoriserait du coup les virus plus bénins, qui passent inaperçus.
4) Une COVID aussi banale que la grippe, un scénario rassurant? Pas nécessairement
Plusieurs experts —ainsi que des politiciens— ont dit que le SRAS-CoV-2 pourrait devenir aussi répandu et «banal» que la grippe —laquelle provoque chaque année des mini-épidémies dans plusieurs pays. Si ce scénario se réalisait, faudrait-il s’en réjouir? Pas nécessairement. L’influenza provoque régulièrement des débordements dans les urgences des hôpitaux et cause environ, chaque année, 12 200 hospitalisations et 3500 décès au Canada. Une COVID-19 aussi grave pourrait représenter une augmentation significative du nombre d’infections chaque hiver, ce qui exercerait une pression supplémentaire sur un réseau de la santé qui a déjà démontré sa fragilité.
Qu’il faille prendre des mesures pour, entre autres, renforcer le système hospitalier relève donc de l’évidence, même avec une COVID aussi « banale » qu’une grippe. S’ajoute à cela l’importance d’une surveillance continue de l’évolution du virus. Déjà, de nombreux pays, dont le Canada, ont un programme de surveillance de la grippe. Et les autorités sanitaires espagnoles ont annoncé qu’elles préparent un nouveau modèle de surveillance visant à traiter la COVID-19 comme une maladie respiratoire aiguë.
Dans le cas de la grippe, un nouveau vaccin est développé et offert chaque année pour tenir compte de l’évolution du virus. La même chose pourrait s’avérer nécessaire pour réduire le taux de mortalité lié à la COVID-19.
5) Omicron est un premier pas vers l’endémie? On ne sait pas
Le variant Omicron pourrait faire sortir la COVID-19 de la phase pandémique vers la phase endémique, indiquait à la mi-janvier, lors d’une conférence de presse, le chef de la stratégie vaccinale de l’Agence européenne des médicaments (EMA). C’est parce que l’immunité acquise par une large partie de la population — par l’infection à Omicron, ou par la vaccination, ou par les deux — ferait diminuer la transmission du SRAS-CoV-2.
Il s’agit d’un scénario optimiste, mais ce n’est pas le seul, puisque jusqu’à présent, le SRAS-CoV-2 a régulièrement déjoué les prédictions. Alors que les chercheurs attendaient un variant issu de la lignée Delta, Omicron est venu brouiller les cartes. Résultat, le scénario le plus pessimiste demeure : un éventuel nouveau variant plus virulent, selon ce qu’évoquait en janvier le Britannique Adam Kucharski, professeur associé d’épidémiologie des maladies infectieuses.
Une grande partie de la population mondiale n’étant pas vaccinée, le virus a encore beaucoup d’espace pour évoluer en ce sens.
En théorie, de nouveaux vaccins ciblant davantage de parties du virus, plutôt que seulement la protéine de pointe qui lui permet de pénétrer dans nos cellules, pourraient contrecarrer l’évolution du virus. Certains chercheurs visent même un vaccin universel contre le coronavirus, qui protégerait contre toutes les variantes possibles. Mais les travaux n’en sont qu’à leurs débuts.
Crédits Image: Imperial College London