
Au printemps dernier, le ministre de la Santé des États-Unis, Robert F. Kennedy Jr avait promis de trouver « d’ici septembre » les causes de l’autisme. C’est chose faite, a-t-il affirmé le 22 septembre, aux côtés du président américain Donald Trump, en pointant vers l’acétaminophène, ou Tylenol, consommé durant la grossesse. Le Détecteur de rumeurs a voulu réviser ce que la recherche nous dit vraiment à propos des causes de l’autisme.
Cet article fait partie de la rubrique du Détecteur de rumeurs, cliquez ici pour les autres textes.
À lire également
C’est plus précisément le 10 avril 2025, dans le cadre d’une rencontre du cabinet, que Robert F. Kennedy (RFK) avait affirmé que son équipe allait déterminer ce qui provoquait « l’épidémie d’autisme » et qu’elle serait « capable d’éliminer ces expositions ». Lors de la conférence de presse du 22 septembre, l’idée d’une « épidémie » a également été évoquée.
Y a-t-il vraiment plus de cas d’autisme? Oui
En 2012, une équipe dirigée par une chercheuse de l’Université McGill avait estimé que la prévalence de l’autisme à travers le monde était de 0,62 %. En 2022, les mêmes chercheurs ont évalué que cette proportion était de 1 %.
Abonnez-vous à notre infolettre!
Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!
Aux États-Unis, le Réseau de surveillance de l’autisme et des troubles du développement (ADDM) dispose de données sur la prévalence de l’autisme chez les enfants de 8 ans. Alors que la proportion d’enfants touchés était de 0,67 % en 2000, elle était passée à 2,3 % en 2018 puis à 3,2 % en 2022.
Enfin, au Québec, selon des données de l’Institut national de santé publique (INSPQ), 0,2 % des enfants de 5 à 9 ans avaient un diagnostic d’autisme en 2000-2001, contre 1,9 % en 2017-2018 et 3,1 % en 2023-2024.
S’agit-il d’une épidémie? Non
RFK a employé le mot « épidémie » à plus d’une reprise, et il n’est pas le seul. Mais un débat subsiste dans la communauté scientifique quant à savoir s’il y a vraiment plus de cas qu’avant, ou s’ils sont simplement mieux diagnostiqués.
Comme l'expliquaient en 2020 des chercheurs suédois dans un article sur l’évolution de l’étude des causes de l’autisme depuis les années 1980, les critères utilisés pour définir l’autisme ont changé au cours de cette période. Ainsi, entre la parution de la troisième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), en 1980, et la parution de la cinquième en 2013, la définition de ce trouble du développement neurologique s’est élargie et inclut des formes plus légères, note l’organisme américain Autism Speak, qui a pour mission de créer un monde plus inclusif pour les personnes autistes. C’est pourquoi on parle désormais du « spectre de l’autisme ».
De plus, les médecins ont maintenant de meilleurs outils pour détecter les enfants touchés.
Les cas d’autisme sont ainsi identifiés plus tôt, ce qui peut affecter la prévalence, soulignaient les chercheurs de l’Université McGill en 2022.
Enfin, la hausse des diagnostics pourrait être due à une plus grande reconnaissance du trouble du spectre de l’autisme dans la société, ajoutaient les auteurs suédois.
Des éléments toxiques dans notre environnement pourraient être en cause? Oui
Selon des chercheurs canadiens qui s’étaient intéressé en 2017 aux facteurs environnementaux pouvant être associés à l’autisme, ces changements diagnostics n’expliqueraient toutefois qu’une partie de l’augmentation.
Ces chercheurs et d’autres citent fréquemment comme facteurs l’exposition aux éléments suivants pendant la grossesse et la petite enfance:
- Polluants atmosphériques : Une étude publiée en 2010 montrait que les enfants dont la mère habitait près d’une autoroute pendant le dernier trimestre de la grossesse avaient deux fois plus de chances de développer un trouble du spectre de l’autisme.
- Âge parental avancé : L’âge parental avancé augmenterait le risque que les ovules ou les spermatozoïdes soient porteurs de mutations, soulignaient des chercheurs chinois l’été dernier dans une revue de la littérature scientifique.
- Déficit nutritionnel : Le statut nutritionnel de la mère pendant la grossesse est critique au bon développement du cerveau, expliquaient des auteurs irlandais en 2021 dans un chapitre sur les causes de l’autisme. Par exemple, les femmes qui prennent un supplément prénatal auraient moins de risque d’avoir un enfant autiste, selon une étude de 2011.
- Diabète maternel : Selon les chercheurs chinois, cette maladie perturberait le fonctionnement immunitaire et métabolique chez la mère, ce qui pourrait affecter le développement du cerveau du fœtus.
- Infection pendant la grossesse : Plusieurs études suggèrent qu’une infection pendant la grossesse augmente le risque d’autisme chez le bébé, surtout si cela a mené à une hospitalisation, remarquaient les chercheurs chinois.
Toutefois, les chercheurs suédois cités plus haut étaient allés plus loin, en réalisant une étude auprès de 22 678 paires de jumeaux nés entre 1982 et 2008. Leurs résultats suggèrent plutôt que la contribution de l’environnement pendant cette période est demeurée constante, malgré l’augmentation des diagnostics d’autisme. Il serait donc peu probable, selon eux, que des facteurs environnementaux soient à blâmer.
Les gènes pourraient jouer un rôle? Oui
Il est établi depuis longtemps que les gènes seraient responsables en partie des troubles du spectre de l’autisme. De petites études réalisées dès 1989 et 1995 ont montré que lorsqu’un jumeau identique a un diagnostic d’autisme, l’autre jumeau a reçu le même diagnostic dans 70 à 90 % des cas. Et cette proportion est de moins de 10 % pour les jumeaux non identiques.
Plus récemment, une étude menée en 2019 auprès de 2 millions de personnes de plusieurs pays dont 22 000 avaient reçu un diagnostic d’autisme, estimait que l’héritabilité du trouble serait d’environ 80 %.
Cependant, même si des milliers de gènes ont ainsi été associés à un plus grand risque d’autisme, la grande majorité des autistes n’ont pas de mutations clairement identifiables, expliquaient les chercheurs chinois dans leur revue de la recherche scientifique parue l’été dernier. C’est ce qui laisse supposer que ce serait une combinaison de facteurs génétiques et de facteurs environnementaux qui mène au déclenchement de l’autisme.