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On détecte une contamination « 100 fois supérieure à la normale ». D’accord, ça semble inquiétant. Mais quelle est cette « normale »? Et quel est l’impact sur notre santé, lorsqu’on la dépasse? Sommes-nous tous morts, cancéreux, défigurés ou aucune de ces réponses?

En cette semaine où le mot « radioactivité » suffit à faire frissonner, certains médias pourraient juger utile de rappeler à leurs lecteurs et téléspectateurs que tout ce qui irradie n’est pas mortel. Beaucoup de journalistes ne pensent pas à le rappeler... parce qu’eux-mêmes frissonnent rien qu’en entendant « le » mot. De sorte que l’éventualité qu’un « nuage radioactif » puisse ne pas être dangereux reste loin au-delà de nos perceptions, tant sont enracinées dans nos psychés les images d’Hiroshima.

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Or, voici quatre exemples de bonnes vulgarisations, courtes, comme vous n’en avez pas beaucoup lu en français depuis deux semaines, sauf sur des blogues.

1. L’exposition aux radiations, au-delà des chiffres. Le journaliste et blogueur de Nature explique en termes simples l’ABC des radiations : il en existe de trois types, dont deux ne peuvent traverser les murs. Il existe aussi une mesure, le Sievert. Et les conséquences d’une exposition aux radiations vont varier avec la même dose, suivant qu’on l’ait subie en une seconde ou une heure.

2. Comment les accidents nucléaires nuisent à la santé. Forcément, écrit cette journaliste du New Scientist, s’il existe des calculs des doses de radiations, cela signifie qu’il existe aussi des seuils à partir desquels on peut dire : « ici, il y a un risque de cancer ». Et il y a par conséquent des seuils en-dessous desquels une exposition aux radiations n’est en rien dangereuse.

3. Combien faut-il de radiations pour vous tuer? Car il y a de la radioactivité naturelle tout autour de nous, rappelle ce météorologue sur son blogue. Nous le savons tous, intuitivement, mais à suivre les discussions depuis deux semaines, j’ai progressivement acquis la conviction que chez nombre de citoyens informés, une séparation s’est dessinée : radioactivité naturelle, bon. Radioactivité d’une centrale, mauvais.

4. Un graphique du Guardian de Londres. D’où l’importance, pour les journalistes, de connaître deux faits importants : combien de radiations recevons-nous chaque année, de sources naturelles? Et la dose mesurée à 20 km de la centrale de Fukushima, elle se compare à quoi ? À Tchernobyl ou à une mammographie?

Toutes les contaminations ne sont pas égales

Bien sûr que la situation reste catastrophique dans la région de Fukushima. Mais pas partout au Japon, et certainement pas de l’autre côté du Pacifique! Et c’est là un léger détail qui a pu échapper à la plupart des lecteurs, s’ils ont eu la malchance de ne tomber que sur des reportages qui introduisaient un peu partout le mot « contamination », sans jamais aller au-delà.

Détail intéressant : la plupart des auteurs, ceux mentionnés ci-haut et d'autres, qui ont pris le temps de rassembler les notions de base et de les expliquer clairement sont des journalistes... et plusieurs l’ont fait dans leur blogue (on peut ajouter à la liste Valérie Borde, à Québec, et Dominique Leglu, à Paris).

Je trouve le détail intéressant, parce qu’outre qu’il nous rappelle un des rôles premiers du journaliste —expliquer, donner du sens— il nous rappelle aussi l’impact de la faible place occupée par la science dans les médias : la grande majorité des quotidiens n’auraient jamais pu publier de telles explications. C’est trop long, et surtout, l'espace qu’ils peuvent consacrer à Fukushima est déjà monopolisé par l’actualité du jour.

Certes, tous les dérapages ne sont pas aussi désolants que cette animatrice de CNN qui a carrément refusé d’écouter son expert-maison tentant de lui expliquer que les radiations qui atteignent la Californie représentent un milliardième de la zone de risque. Mais la réaction viscérale de cette dame (voir à la 40e seconde) traduit à sa façon la peur viscérale qui saisit beaucoup d’entre nous, dès que nous entendons « radiation ».

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A visiter: Le Journalist Wall of Shame, lancé par un artiste canadien installé au Japon depuis huit ans, et alimenté par des dizaines de contributeurs.

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Les autres textes du blogue Média et science sont ici.

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