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En octobre, une vidéo mise en ligne par un député européen a fait croire que Pfizer aurait caché que ses essais cliniques n’avaient pas évalué si son vaccin bloquait la transmission de la COVID-19. En réalité, ce fait était connu dès l’approbation du vaccin, comme plusieurs l’ont immédiatement rappelé. Le Détecteur de rumeurs s’est pour sa part demandé si les médias, eux, avaient rapporté ce fait.


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L’origine de la rumeur

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Dans la vidéo en question, mise en ligne le 11 octobre, on entend l’eurodéputé Rob Roos poser une question à une représentante de Pfizer, Janine Small, lors d’audiences publiques du Parlement européen. Sur la base de la réponse de cette dernière, Ross conclut que Pfizer aurait dissimulé le fait que la compagnie n’avait pas étudié la capacité de son vaccin à empêcher la transmission de la COVID-19 avant de le mettre en marché.

Or, comme l'a détaillé le journaliste Jeff Yates, des Décrypteurs, dès le 12 octobre, ou ses collègues de Libération ou de l’Associated Press, Pfizer n’a jamais prétendu que l’objectif de son vaccin était d’empêcher toute transmission du virus: l’objectif premier était d’empêcher les infections graves, celles conduisant à des hospitalisations et des décès.

Ainsi, lors de l’autorisation d’urgence du vaccin de Pfizer-BioNTech en décembre 2020, l’organisme chargé de cette autorisation aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA), soulignait que les données des essais cliniques ne permettaient pas de démontrer que le vaccin prévient la transmission du SARS-CoV2 d’une personne à l’autre. De la même façon, lorsque les résultats des essais cliniques ont été publiés le 31 décembre 2020 dans le New England Journal of Medicine, les auteurs y ont écrit que certaines questions demeuraient en suspens, dont l’efficacité du vaccin pour protéger contre les infections asymptomatiques et contre la transmission du virus aux personnes non vaccinées.

Pourquoi alors, certaines personnes ont-elles l’impression que ces informations ont été « cachées » ? Cette nuance —le vaccin empêche les infections graves, pas la transmission— pourrait-elle avoir échappé aux médias?

La couverture médiatique de l’autorisation du vaccin

Si on remonte à l’époque de la publication des résultats préliminaires du vaccin de Pfizer-BioNTech (avant l’autorisation par la FDA en décembre 2020), on note que l’information véhiculée par les médias est assez juste.

Par exemple, le 18 novembre 2020, dans le New York Times après avoir lu que les données préliminaires de Pfizer démontrent que le vaccin prévient les formes légères et sévères de la COVID-19, on apprend que « le but premier ne sera pas d’arrêter la transmission, mais d’empêcher les gens de devenir extrêmement malades ». Toutefois, cette information n’arrive qu’au 14e paragraphe, après avoir spéculé sur le temps qu’il faudra pour que la FDA autorise la distribution du vaccin.

Au Québec, dans un long article du 16 décembre 2020 répondant à « toutes vos questions sur les vaccins », dans le magazine L’actualité, la journaliste Valérie Borde insistait sur le fait que « présentement, on ignore si les vaccins empêchent les infections qui n’entraînent aucun symptôme ». Ils diminuent par contre « d’environ 90 % les risques d’être malade si on attrape le virus ».

Dans un article de La Presse publié le 2 décembre 2020, la toute première phrase était que « Le vaccin n’empêchera probablement pas d’attraper la COVID-19, il diminuera plutôt les risques de développer des symptômes graves de la maladie ». Le professeur de santé publique Benoît Masse y ajoutait que l’utilité du vaccin est de « désengorger les hôpitaux » et « alléger le poids de la COVID-19 sur le système de santé ».

Le média en ligne français Passeport Santé rapportait pour sa part le 2 décembre 2020, dès le premier paragraphe, que la Haute Autorité de santé française stipulait « que le vaccin serait efficace contre les formes graves de la Covid-19 », mais qu’il subsistait un doute sur la possibilité qu’un malade soit encore contagieux « après une vaccination ». L’Agence France-Presse soulignait elle aussi qu’il restait à savoir si les vaccins bloquaient la transmission du virus, en plus de réduire la sévérité de la maladie.

Un intervenant cité par Passeport Santé allait plus loin en spéculant sur la possibilité que le vaccin puisse stopper la maladie au niveau des poumons —empêchant donc les cas graves—  mais pas l’entrée du virus dans le corps. Cette hypothèse était aussi partagée par Nathalie Grandvaux dans l’article de La Presse.

Enfin, dans un article publié sur le site de Radio-Canada le 10 décembre 2020, au lendemain de l’approbation du vaccin au Canada, un porte-parole du ministère de la Santé insistait sur le fait que des essais cliniques à plus long terme seraient nécessaires pour mieux documenter l’effet du vaccin sur la transmission.

Plusieurs sites de vulgarisation ont souligné la même incertitude dans les semaines suivantes.

De nouvelles études

Après les premières autorisations accordées dans différents pays, les études indépendantes n’ont pas tardé à se multiplier. Le 10 février 2021, CBC rapportait qu’une première étude, réalisée en Israël, suggérait que le vaccin de Pfizer-BioNTech réduisait la charge virale chez les personnes infectées, ce qui diminuerait donc le risque qu’une personne vaccinée propage le virus.

Le Devoir rapportait peu après les résultats d’une autre étude, publiée dans The Lancet, qui concluait que le vaccin de Pfizer bloquait aussi les infections asymptomatiques avec une efficacité de 75 %. Le reportage insistait sur le fait que ces données signifient que le vaccin « peut avoir un effet substantiel sur la transmission en réduisant le nombre de personnes infectées dans la population ».

C’est finalement à partir de mars 2021 que plusieurs médias (Sciences et Avenir, RTBF, Le Soleil, National Geographic, Le Devoir) dresseront la liste des études montrant que les vaccins permettent bel et bien de réduire la transmission virale —tout en faisant comprendre que cette incertitude n’avait donc pas été levée jusque-là.

Il faut toutefois rappeler que ces études ont été réalisées bien avant l’arrivée des variants de type Omicron, qui ont réduit l’efficacité des vaccins, autant pour la transmission que pour la prévention des cas graves.

Verdict

Dès l’approbation du vaccin de Pfizer-BioNTech contre la COVID-19 en décembre 2020, ce n’est pas seulement la compagnie pharmaceutique qui a précisé qu’on ignorait encore l’efficacité du vaccin pour bloquer la transmission du virus. De nombreux médias et des sites de vulgarisation ont aussi souligné cette incertitude. Ce n’est qu’à partir de février 2021 qu’ils ont commencé à pouvoir parler d’autres études, réalisées par des chercheurs indépendants du producteur du vaccin, qui démontraient qu’il existait bel et bien un effet du vaccin pour ralentir la propagation.

 

Photo: Pfizer

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