Six limites planétaires dépassées sur neuf. Bientôt huit sur neuf. Le concept de « limites » a fait du chemin depuis 2009 et a donné lieu à diverses autres façons de les calculer. Mais quelle que soit la classification, il y a consensus: sur de plus en plus d’aspects, notre impact sur les systèmes de notre planète dépasse les seuils de tolérance de ces systèmes.
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Les définitions de ces « limites planétaires » ont en effet varié depuis 2009. Les méthodes de calcul se sont précisées. Mais déjà en 2009, les calculs permettaient de dire que les changements climatiques, la perte de biodiversité et le dérèglement du cycle de l’azote dans les écosystèmes marins, avaient tous trois dépassé un seuil au-delà duquel ces « systèmes » étaient perturbés pour les siècles à venir. Ou, pour le dire autrement: ces trois systèmes avaient été poussés par l’action humaine au-delà de la zone de stabilité où ils se trouvaient depuis la fin de la dernière ère glaciaire, il y a 10 000 ans. Seuls des changements majeurs dans nos émissions polluantes ou nos comportements pourraient les ramener dans cette zone de stabilité.
Aujourd’hui, l’utilisation des sols (ce qui inclut la déforestation) a dépassé aussi un tel seuil, de même que —selon la nouvelle évaluation parue le 13 septembre— les perturbations du cycle de l’eau douce et la pollution dite « synthétique » —notamment par les pesticides et les plastiques. Pour deux autres, on s’approche des limites: la pollution de l’air par les particules en suspension et l’acidification des océans. Le neuvième système, le seul qui montre quelque progrès, est le cycle de l’ozone dans l’atmosphère —résultat d’actions prises à partir des années 1980 pour se débarrasser des polluants responsables du « trou » dans la couche d’ozone.
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La plus connue parmi toutes ces mesures est celle du CO2 dans l’atmosphère: il avait oscillé autour de 280 parties par million pendant les 10 000 dernières années, il a bondi en un siècle et demi à plus de 415 parties par million.
Comme s’emploient à le souligner les 29 co-auteurs de ce qui est la première estimation internationale de ces neuf limites en près d’une décennie, nous connaissons bien les conditions dans lesquelles la civilisation s’est développée dans les 10 000 dernières années. Mais nous ne connaissons pas grand-chose des perturbations qui pointent à l’horizon. Ce sont donc des signaux d’alarme comme quoi on pénètre de plus en plus loin en zone inconnue.
Le concept avait été défini en 2009 par le climatologue Johan Rockström, alors directeur du Centre pour la résilience de Stockholm. Il est l’un des co-signataires de l’étude de cette semaine, avec des collègues de huit pays, sous la direction de la biologiste Katherine Richardson, de l’Université de Copenhague. Les chercheurs insistent dans leur conclusion sur le fait que si chaque système est de mieux en mieux compris depuis 2009, les interactions entre eux restent encore à élucider : par exemple, on voit bien à quel point le dérèglement du cycle de l’azote contribue au déclin de la biodiversité, et à quel point le surcroît de CO2 joue sur l’acidification des océans, mais il reste beaucoup de ficelles à attacher pour comprendre les interactions de tous ces systèmes entre eux.