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La science est constamment en mouvement. Sans nécessairement parler de révolution scientifique ou de changement de paradigme, il arrive qu’on se rende compte un bon matin que ce que l’on pouvait écrire sur une structure du cerveau il y a dix ans, par exemple, a passablement évolué depuis. C’est le cas de l’amygdale, une petite mais fort importante région du cerveau présentée dans ce site il y a un bon… dix ans. D’où l’utilité de ce blogue pour se mettre un peu à jour.

L’amygdale est donc cette structure ayant un peu la taille et la forme d’une amande (d’où son nom, à ne pas confondre avec les organes lymphatiques de la gorge du même nom, et pour les mêmes raisons…) et qu’on a traditionnellement étiqueté comme le «système d’alarme» du cerveau. Les premières recherches chez le rat avaient en effet très bien montré la forte activation de cette structure quand l’animal a peur d’un danger.

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Les travaux de Joseph LeDoux avaient en particulier contribué à identifier ce qu’on appelait une «route courte» activant rapidement ce système d’alarme amygdalien, et une «route longue» impliquant quelques fractions de secondes plus tard le cortex et d’autres structures cérébrales permettant une attention et une discrimination plus fine du stimulus menaçant.

Or les travaux de plusieurs équipes ont remis en question au fil des ans cette conception qui s’avère trop réductrice du rôle de l’amygdale. C’est une vision beaucoup plus riche et complexe, non seulement de l’amygdale, mais également du rapport entre cognition et émotion, que résume Luiz Pessoa dans son livre The Cognitive-Emotional Brain: From Interactions to Integration.

Il semble en fait qu’une conception plus large que celle souvent véhiculée par les médias (le «centre» de la peur…) est reconnu depuis les années 1970 alors que Karl Pribram et ses collègues écrivaient que l’amygdale permet à la fois de déterminer qu’est-ce qu’il y a dans notre environnement immédiat et ce qu’on va faire sachant ce qu’il y a. Des idées reprises plus récemment par William A. Cunningham qui étend le rôle de l’amygdale à tout ce qui nous préoccupe, et pas seulement un détecteur de menaces.

Pessoa confirme cette fonction d’attribution d’une «valeur» de survie pour l’organisme, mais insiste pour dire que cette valeur peut être autant positive que négative (qui est ce qu’on entend habituellement sur l’amygdale). Reconnaître la récompense associée à un certain stimulus déjà rencontré solliciterait donc également certains noyaux amygdaliens. Car il faut se rappeler ici que malgré sa petite taille, l’amygdale est elle-même constituée de plusieurs sous-régions dont on commence à s’apercevoir qu’elles contribuent à différents aspects des réponses possibles de l’amygdale.

Celles-ci incluent maintenant le niveau de vigilance d’un organisme et la détection de nouveautés. Donc une fonction d’attention globale à notre entourage qui, couplée à celle d’attribution de valeurs, pointent vers une implication dans certaines formes simples de prises de décision. Pas le genre de décision qu’un mathématicien va prendre en essayant de prouver un théorème, mais des décisions simples qu’on prend fréquemment dans une journée comme d’approcher et d’éviter certaines choses, certaines personnes.

Cette conception plus large du rôle de l’amygdale remet aussi en question l’hypothèse standard des deux routes. Pourquoi? Parce qu’on a considéré traditionnellement que la route courte sous-corticale associée à la réaction émotive rapide était indépendante de l’attention que l’on porte au stimulus. Pessoa présente des données montrant au contraire que l’attention des sujets détermine ce qui entre ou pas dans l’amygdale. Du reste, il montre également que l’idée que tout ce qui se passe dans le cortex est lent et laborieux n’est pas juste non plus et qu’une signalisation rapide y est aussi possible.

Considérant tout cela, comment alors attribuer une fonction particulière à l’amygdale? On ne peut tout simplement pas, répond Pessoa. Il s’agit d’une position encore débattue, mais la richesse des interconnections de l’amygdale que l’on découvre porte de plus en plus à penser que ses nombreuses fonctions émergent de ses interactions avec d’autres régions du cerveau. L’interaction devient ainsi bien davantage l’unité d’intérêt pour les fonctions cérébrales que la localisation au sens strict. La science est constamment en mouvement, disions-nous…

The Cognitive-Emotional Brain (BSP 106)

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