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Micah Allen, qui fait actuellement un post-doctorat à University College London, anime le blogue «Neuroconscience» sur les sciences cognitives qui reflète son parcours éclectique (psychologie, philosophie, neuroscience, etc). Suivant de près les grandes tendances dans ce vaste domaine, il a proposé il y a deux semaines une liste de 7 domaines de recherche qui lui paraissent avoir le vent dans les voiles depuis un certain temps. Il précise qu’il s’agit de choix subjectifs et pas nécessairement de nouveaux concepts, mais que la façon dont ces sujets sont mis de l’avant actuellement. À la veille d’une présentation sur l’aspect infiniment complexe du cerveau humain que j’aurai le plaisir (ou la douleur ?) de donner à l’UPop Montréal lundi prochain le 11 mai (voir le premier lien ci-bas), j’ai pensé qu’il serait intéressant de résumer ici très brièvement quelques approches actuelles en sciences cognitives pour tenter d’appréhender cette complexité.

Oscillations : les avancées techniques permettant d’enregistrer directement l’activité de grandes populations de neurones permettent d’entrevoir comment différentes fréquences d’activité nerveuses interagissent entre elles. Cette synchronisation d’activités oscillatoires est au cœur de plusieurs programmes de recherche sur la conscience , la mémoire ou la navigation spatiale, par exemple.

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Émergence dans des systèmes complexes et dynamiques: comme les oscillations, ces concepts ne sont pas nouveaux et l’on a eu l’occasion d’en parler abondamment ici , ou , ou encore . Et encore une fois, il semble que les méthodes d’analyses que permettent les ordinateurs plus puissants nous permettent de nous situer clairement « après la phrénologie » et de concevoir de nouvelles métaphores nous rappelant, comme disait Marcus Raichle , que « our resting brain is never at rest » et que ses nombreux niveaux de complexité font émerger de nouvelles propriétés que n’ont pas les neurones isolés, par exemple.

Interventions directe menant à des inférences causales : des techniques comme la stimulation directe transcranienne ont de plus en plus la cote, en partie parce qu’elles permettent de désactiver brièvement certaines régions du cerveau et de faire des inférences sur leur rôle fonctionnel. D’autres techniques comme l’optogénétique permettent d’activer ou d’inactiver spécifiquement une population entière d’un certain type de neurone dans lequel on a introduit un gène codant pour un canal ionique sensible à la lumière. Et encore une fois, on essaie de déduire la fonction de ces neurones en manipulant leur activité.

Modèles computationnels et apprentissage renforcé : avec le récent prix Nobel attribué pour les recherches sur les cellules de lieu et de grille , les études impliquant des modèles de calcul de l’information nerveuse inspirés de l’architecture des circuits de neurones ont la cote. Pareil pour les modèles à composantes connexionnistes où l’efficacité de certaines synapses peut être renforcée au cours d’un apprentissage. Bref, devant la complexité déroutante du cerveau, ça prend des modèles

Contrôle du gain : le gain en question, c’est aussi ce qu’on appelle la neuromodulation , c’est-à-dire des neurones qui vont affecter souvent de vastes régions du cerveau et rendre les neurones qui s’y trouvent plus ou moins excitables. On pense que ces mécanismes contribuent à rendre l’activité nerveuse dépendante du contexte dans lequel se trouve l’individu, à stabiliser des activités oscillatoires dans les neurones, et à bien d’autres choses permettant de lier différents niveaux d’organisation dans le cerveau.

Hiérarchies qui ne sont pas réellement des hiérarchies : plusieurs modèles de fonctionnement d’aires visuelles primaires dans le cortex, comme celles de la vision , sont construits selon une hiérarchie qui permet de partir d’éléments visuels simples et de reconstruire progressivement toute la complexité d’une scène visuelle. Mais de plus en plus de travaux, notamment sur le connectome , indique à quel point les connexions descendantes (ou " top down ") susceptibles d’exercer une rétroaction négative sur cette hiérarchie sont nombreuses. L’émergence et la complexité pointent encore une fois ici leur nez pour rappeler que c’est une causalité circulaire qui domine dans le cerveau et que les aires corticales sensorielles n’y échappent pas.

Des sensations primaires qui ne sont pas si primaires : encore ici, des publications montrant que le décodage de formes tactiles implique les aires visuelles V1, ou que de la perception de patterns de fréquences visuelles implique les aires auditives A1 montrent qu’on semble s’éloigner d’une conception modulaire stricte pour aller vers un rôle plus général (inspiré du connexionnisme et de la complexité) pour les régions sensorielles primaires du cerveau.

Allen conclut en se demandant si ces tendances sont suffisantes pour annoncer un « changement de paradigme », chose que certains de ses collègues semblent vouloir activement mettre de l’avant (voir le dernier lien ci-bas). Chose certaine, on commence à être assez éloigné du paradigme cognitiviste « input-traitement de l’information-output » qui a régné en maître dans les dernières décennies du XXe siècle. On serait plutôt, selon Allen, en train d’intégrer véritablement la complexité, le caractère dynamique du cerveau et les idées connexionnistes dans les modèles computationnels actuels. Quand ce n’est pas, selon son collègue Björn Brembs, carrément un retournement du type « output d’abord et input ensuite », c’est-à-dire générer d’abord de la variabiltié cérébrale et comportementale, et en évaluer ensuite les conséquences par les rétroactions sensorielles obtenues. Ouf ! Complexité, quand tu nous tiens…

i_lien L’infiniment complexe : le labyrinth de nos réseux cérébraux i_lien Are we watching a paradigm shift? 7 hot trends in cognitive neuroscience according to me i_lien Watching a paradigm shift in neuroscience

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