Drongo brillant sur la Madlabantu Trail, parc Kruger, Afrique du Sud

Jusqu'où peuvent évoluer les capacités cognitives dans le monde animal tout en tenant compte des comportements instinctifs? L'exemple d'un petit oiseau africain est, à cet égard, riche d'enseignements.

Dans mon article précédent, je parlais du mérion, une espèce chez les oiseaux qui a adopté une stratégie bien particulière pour distinguer les oisillons intrus de ses propres petits dans son nid. L'astuce de la femelle qui consiste à identifier sa progéniture au moyen d'un code sonore nous révèle que le développement de l'intelligence permet, dans certains cas, de remédier à certains problèmes liés à un comportement instinctif.

La ruse du drongo

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Dans cet article-ci, je souhaite montrer que la coévolution de l'instinct et de l'intelligence va encore plus loin. Si, dans le cas du mérion superbe, l'évolution de l'intellect avait pour finalité de réorienter un des comportements instinctifs de cette espèce, le drongo brillant (Dicrurus adsimilis), lui, utilise ses capacités cognitives pour manipuler le comportement instinctif d'autres espèces. Cet oiseau qu'on retrouve en Afrique est capable d'imiter le cri d'alarme de certaines espèces d'oiseaux, mais aussi celui de certains mammifères. Le drongo a la particularité de duper ces espèces dont le cri d'alarme est imité et il le fait dans un but bien précis : leur dérober leurs proies que les individus avaient capturées.

L'oiseau commence par émettre le cri d'alarme d'une espèce lorsque les membres du groupe sont réellement mis en danger par un prédateur gagnant ainsi leur confiance. Une fois celle-ci acquise, il émet alors de faux cris d'alarme à un moment où ceux-ci sont occupés à consommer leurs proies. La troupe qui réagit comme prévu s'enfuit pour se mettre à l'abri et le volatile en profite alors pour aller se servir dans leur « garde-manger ». Les facultés cognitives du drongo ne s'arrêtent pas là. Les espèces dupées finissent par s'apercevoir de la tromperie et ne plus répondre aux cris d'alarme de l'oiseau. Celui-ci s'en aperçoit et pour retarder cette prise de conscience de ses « victimes », il choisit d'alterner les vrais cris d'alarme avec les faux. Quand, malgré tout, son stratagème ne porte plus ses fruits, le drongo brillant possède encore un autre atout dans ce jeu de manipulation : il change d'emplacement et imite le cri d'alarme d'un autre groupe. Qui plus est, comme il lui est possible d'imiter le cri d'autres espèces, il a donc la possibilité de faire usage de cette stratégie de très nombreuses fois et qui lui permet du même coup de varier son menu selon celui des espèces imitées.

C'est là un des exemples où comportements instinctifs et cognition coévoluent à un niveau rarement observé dans le monde animal.

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