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Un billet de Carine Touma

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Tout le monde peut se faire avoir par une fausse nouvelle, mais tomber dans le panneau reste un faux pas. Difficile de prétendre le contraire. Un professeur canadien cherche à mieux comprendre notre raisonnement pour aider à prévenir la propagation de la désinformation en ligne.

Dans deux études menées auprès d’internautes, Gordon Pennycook et son collègue David G. Rand en sont venus à la conclusion que la susceptibilité des gens à croire et à partager une fausse nouvelle relève davantage de la paresse intellectuelle, voire d’un manque de scepticisme, que de la partisanerie ou du biais de confirmation.

En effet, quelqu’un usant davantage de sa pensée analytique que de son intuition jugera de l’exactitude d’une nouvelle avec plus de justesse, que l’information soit cohérente avec ses préférences idéologiques ou non. « Je crois qu’il faut être honnête avec soi-même : tout le monde pense être analytique », affirme le professeur Pennycook, du Département de psychologie de l’Université de Regina.

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« Notre intuition est souvent cohérente avec ce qu’on croit déjà, précise-t-il, mais ce n’est pas toujours le cas et des facteurs comme la répétition peuvent avoir un impact. » Selon plusieurs études, une fausse information nous paraît plus crédible chaque fois qu’elle nous est présentée, car elle devient plus familière à nos yeux. Et c’est le cas même si cette information va à l’encontre de notre idéologie, remarque le professeur.

La distraction en ligne

Le partage de fausses nouvelles ne se fait pas toujours avec de mauvaises intentions ou dans un but partisan, souvent on n’y pense tout simplement pas.

Dans une récente étude sur la désinformation en ligne, en attente de révision, Gordon Pennycook et ses collègues avancent que les gens partagent parfois des publications trompeuses simplement parce qu’ils ne réfléchissent pas à l’exactitude des faits ou à la fiabilité de la source.

Les plateformes comme Facebook, Twitter et Instagram peuvent carrément, selon les auteurs, décourager la pensée analytique ; elles sont conçues pour que les utilisateurs fassent défiler le contenu et y réagissent rapidement, en plus de mélanger du contenu sérieux à du contenu léger ou réactif.

Dans cette étude, les chercheurs ont démontré qu’il était possible de déclencher subtilement la pensée logique chez des internautes. Près de 5500 utilisateurs Twitter ayant partagé du contenu trompeur ont reçu un message dans lequel on leur demandait de juger de la véracité d’une publication. Les internautes ainsi poussés à réfléchir de façon analytique, sans nécessairement le savoir, ont partagé moins de contenu fallacieux dans les 24 heures suivant le message.

« On ne peut pas faire ça avec tout le monde tout le temps, bien sûr, ce serait vraiment agaçant, note M. Pennycook, mais on peut le faire avec quelques personnes, de temps en temps, et espérer avoir un effet positif. »

Maintenant, le défi est de tester cette méthode à grande échelle et de différentes façons. « Probablement que rien n’aura un effet durable, à part une sérieuse éducation aux médias et à la pensée critique pendant l’adolescence, estime le professeur. Mais sans réformer le système d’éducation en entier, un rappel subtil ici et là pourrait faire son effet. »

Application concrète sur les réseaux sociaux

Ces dernières années, Facebook a introduit diverses mesures pour diminuer le partage de publications mensongères, dont une mention lorsque l’information a été démentie par des vérificateurs de faits.

Or, seule une fraction de la désinformation qui circule est clairement identifiée et cela peut créer un effet de « véracité implicite ». Selon une étude de Gordon Pennycook et trois collègues, à paraître dans la revue Management Science, si les seules fausses nouvelles à avoir été déboulonnées sont celles qui sont étiquetées, celles qui ne le sont pas pourraient sembler valides.

Puisque les journalistes ne seront jamais en mesure de réagir aussi vite que les sites produisant des fausses nouvelles, il pourrait être plus efficace d’identifier les sources non fiables plutôt que les publications individuelles. Dans un tel système, des cotes de confiance seraient attribuées aux sites de nouvelles par les lecteurs.

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