« Notre première étape a été d’en savoir plus sur la définition de la crédibilité en général, et ensuite de comprendre comment elle était appliquée aux médias par les enseignants et comment ils l’évaluaient », explique Christopher H. Clark, assistant professeur à l’Université North Eastern en Oklahoma et coauteur d’une étude réalisée auprès de 1065 enseignants de 6 États américains.
Une première constatation : il n’y a pas consensus chez les enseignants quant à la définition même de ce qu’est la crédibilité. Pour les journalistes, et la façon dont elle a été décrite dans l’étude, il s’agit de regarder, par exemple, chez un média, si les faits sont avérés et vérifiés, et s’il y a plusieurs sources dans un article.
« Mais nous avons constaté que cette analyse est présente seulement chez un tiers des enseignants qui ont répondu au questionnaire de l’étude » soutient le chercheur. La majorité des enseignants utiliseraient plutôt une grille statique pour évaluer la crédibilité d’un média ou d’un article, indique-t-il. C’est-à-dire « il y a des faits ou il n’y en a pas », ou encore « il y a un parti pris ou il n’y en a pas ». Comme si la crédibilité était un processus ou une action, plutôt qu’une analyse en ce qui concerne les médias.
« Il s’agit d’un constat intéressant parce qu’on croit normalement que les enseignants sont plutôt neutres dans leur pratique, mais pour leur propre utilisation des médias, ça ne semble pas être le cas », s’étonne M. Clark. Car même en étant soi-disant neutres, les perceptions personnelles changent l’approche aux médias que certains ont.
Par exemple, si l’on est libéral, on aura tendance à faire confiance à un média à la ligne éditoriale libérale et donc, à l’enseigner comme source crédible. « Les gens en général ont tendance à croire un média qui conforte leurs positions politiques ou leur situation sociale. Les professeurs, d’après l’étude, ne seraient pas si différents quand ils enseignent les médias. Pourtant, ajoute-t-il, la notion de crédibilité peut s’enseigner au-delà des valeurs personnelles », pense M. Clark, par exemple en enseignant la méthodologie derrière la collecte d’information, le processus journalistique pour rédiger un article, le code de déontologie auquel doivent se soumettre les journalistes, etc.
Quelques écueils
Les données de cette étude ont été récoltées à l’aide d’un sondage électronique, envoyé à plus de 63 000 enseignants à travers les États-Unis, en tentant de cibler des états à la fois républicains et démocrates. Les chercheurs ont reçu un peu plus de 1000 formulaires remplis, dont 750 qu’ils ont retenus pour analyse. L’idée, explique M. Clark, n’était pas d’avoir un échantillon représentatif de l’ensemble de l’enseignement des médias à travers le pays, n’ayant pas les moyens pour ce genre d’étude à grande échelle, mais plutôt de comprendre la dynamique des enseignants par rapport à la notion de crédibilité des médias.
Néanmoins, le chercheur dit avoir été déçu par le faible nombre de réponses, qu’il attribue en partie aux filtres de pourriels, et également au fait que plusieurs professeurs sont méfiants des sondages, les attribuant à des boîtes de marketing, partis politiques ou autre.
Pour aller plus loin
Les auteurs aimeraient procéder à des études subséquentes à celle-ci, notamment en s’intéressant aux sources que les enseignants consultent eux-mêmes sur une base quotidienne et dans leurs classes.
Si l’on change la définition de ce qu’est la crédibilité, la perception de la source médiatique en sera aussi affectée, d’après le chercheur. « Ça me donne espoir. On dit souvent qu’on est partisan, qu’on résiste aux faits et que ne nous sommes pas neutres quand vient le temps de parler de politique et de médias, mais si une perception plus dynamique de crédibilité permet d’être plus ouvert ou moins influencé par sa propre idéologie, en appliquant une grille d’analyse basée sur les faits et la méthodologie journalistique pour juger de la fiabilité d’un média, je crois que c’est une bonne chose » conclut-il.