Quel est le rapport entre apprentissage, mémoire et perception? Un lien entre une étude récente et une autre ancienne est proposé ici pour répondre à cette question.
Un article de l'Agence Science-Presse paru récemment fait état d'une étude portant sur les biais pouvant affecter la mémoire à très court terme. Les participant.e.s devaient mémoriser certaines des lettres qui leur étaient présentées. Les personnes étaient prévenues que certaines des lettres leur seraient présentées en image inversée. Les erreurs de mémorisation se sont produites plus fréquemment avec les lettres inversées : les personnes testées croyaient se souvenir avoir vu l'image non inversée de la lettre correspondante. Ce qui peut surprendre avec cette étude, c'est que ces erreurs sont survenues moins d'une minute après la présentation des lettres. On parle de « quelques secondes ».
En fait, cette étude permet, d'une certaine façon, de faire la jonction avec une autre beaucoup plus ancienne1. Imaginons qu'on réduise le délai entre la perception et la réponse des participant.e.s à zéro de sorte que les personnes doivent dire sur-le-champ ce qu'elles voient. L'historien des sciences Thomas Kuhn rapporte l'expérience suivante. À la fin des années 1940, deux psychologues ont mené une expérience très simple. Ils ont simplement présenté des cartes à jouer à des volontaires qui ne pouvaient les voir que durant un temps très bref, mais suffisant pour pouvoir les identifier. Certaines de ces cartes avaient toutefois été modifiées : des figures de trèfle ou de pique étaient de couleur rouge et certaines cartes de carreau et de cœur étaient de couleur noire. Si par exemple un six de pique rouge leur était présenté, ils répondaient sans hésitation six de pique ou six de cœur. En allongeant légèrement le temps de présentation, les personnes testées commençaient à hésiter : elles percevaient qu'il y avait un problème sans pouvoir dire lequel. Même en diminuant encore la vitesse de présentation, et bien que la plupart comprennent alors le truc, certaines personnes n'arrivaient toujours pas à voir les fausses cartes et se trouvaient désorientées2.
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Cette expérience simple a le mérite de pouvoir être reproduite facilement en guise de contrôle. Elle suggère l'idée que percevoir fait d'abord appel à l'apprentissage. Or cet apprentissage est un facteur qui introduit des biais dans la perception. C'est ce que montre cette expérience. Ce type de biais serait susceptible d'expliquer plusieurs de nos illusions perceptives. Ce que montre l'expérience citée dans l'article de l'ASP, c'est que l'apprentissage - dans ce cas-ci celui de la forme des lettres de l'alphabet - introduit un biais dans le processus de mémorisation à très court terme, presque immédiatement après un test.