La croyance populaire veut que des études scientifiques aient confirmé l'impact de la prière. Faux, insiste une nouvelle étude qui est allée plus loin que jamais, au risque de réveiller l'éternel débat sur la science versus la religion.

La question de départ était controversée à souhait: si des gens prient pour la guérison d'une personne qui se remet d'une chirurgie cardiaque, cela peut-il accélérer sa guérison? Et la réponse est tout autant controversée: non, cela n'aide en rien le malade, et cela peut même empirer sa condition!

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Pour cela, l'équipe dirigée depuis l'Université Harvard a recruté quelque 1800 patients qui se remettaient d'une chirurgie cardiaque dans six hôpitaux américains, et les a divisés en trois groupes: les premiers se sont fait dire que des gens allaient peut-être prier pour eux alors qu'il n'en fut rien; les deuxièmes se sont fait dire que des gens allaient peut-être prier pour eux, ce qui fut le cas; et les troisièmes se sont fait dire qu'on allait prier pour eux, ce qui fut le cas.

Résultat: aucune différence entre les gens pour qui on a prié et ceux qui on n'a pas prié. Par contre, les patients du troisième groupe, les seuls à savoir avec certitude qu'on allait prier pour eux, ont montré 14% plus de risque de complications attribuables à l'anxiété –surtout un rythme cardiaque anormal.

Plusieurs études sur les effets bénéfiques de la prière ont eu lieu au fil des ans; quatre d'entre elles portaient spécifiquement sur des cardiaques. Mais aucune de ces études n'avait été menée avec un groupe de gens aussi élevé, ni avec un protocole aussi rigoureux, similaire à celui utilisé pour tester les médicaments.

L'étude (Study of the Therapeutic Effects of Intercessory Prayer), au coût de 2,4 millions$, a été financée par la Fondation John Templeton, un organisme qui finance justement des recherches examinant science et religion. Elle a été publiée le 30 mars le Journal de l'Association américaine des maladies du cœur (American Heart Journal).

Sans surprise, des défenseurs de la prière ont dénoncé cette étude comme un gaspillage de temps et d'argent: comment définir ce qu'est une prière vraiment efficace, disent-ils (auquel cas toutefois, ils ouvrent eux-mêmes la porte à l'impossibilité de leur part d'afffirmer que la prière est vraiment efficace).

Mais certains chercheurs ont aussi fait part de leur scepticisme: la prière est hautement valorisée par certaines personnes, et il n'est aucunement nécessaire pour les scientifiques d'essayer de prouver empiriquement qu'elle fonctionne ou pas, a déclaré dans Nature le biologiste des comportements Richard Sloan, qui étudie la prière et la médecine à l'Université Columbia de New York.

Plus nuancé, le psychiatre Jon Streltzer, de l'Université de Hawaii, juge qu'il serait possible de choisir des angles de recherche plus utiles, comme l'impact que les croyances d'un patient peuvent avoir sur sa propre santé.

Ceci dit, la conclusion la plus contre-intuitive de cette étude –ce sont les patients cardiaques qui savaient qu'on allait prier pour eux qui ont montré le plus de traces d'anxiété– oblige les médecins à se poser une question: pour la bonne santé de leurs patients, vaudrait-il mieux éviter de les prévenir lorsque des gens prient pour eux?

Pascal Lapointe

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