Il s’agit d’une limite symbolique, contestable mais utilisée comme base de calcul dans le monde entier : la quantité totale de dioxyde de carbone dans l’atmosphère qui, si elle était dépassée, signifierait un emballement du climat. Selon James Hansen et huit co-auteurs, cette limite serait de 350 parties par million; or, comme le savent les climatologues, ce chiffre, nous l’avons dépassé il y a 20 ans (nous sommes actuellement à 385).
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Qu’est-ce qui nous pend au bout du nez? Difficile à dire, mais en attendant, cette analyse, qui n’est encore qu’une version préliminaire, obtient une écoute beaucoup plus élevée (par exemple, dans le New York Times ) parce qu’elle provient de James Hansen lui-même. Climatologue à l’emploi de la NASA, il a été l’un des premiers de sa discipline à tirer la sonnette d’alarme —c’était en 1988. Depuis, il est devenu l’un des climatologues les plus réputés du monde —ce qui a rendu encore plus choquantes les tentatives du gouvernement américain, en 2005, de limiter ses contacts avec la presse, parce que ses « opinions » allaient à l’encontre de l’idéologie de la Maison-Blanche (lire Qui contrôle l’information scientifique).
S’il a raison cette fois encore, cela signifie que 350 parties par million serait « le » chiffre à retenir : le chiffre qui définira notre futur.
Il y a deux décennies que de nombreux climatologues tentent de le cerner, ce chiffre-magique : le chiffre en-dessous duquel nous pouvons pousser un soupir de soulagement, mais au-delà duquel plusieurs de nos descendants seront damnés. Il n’est pas facile à définir : combien de parties par million de CO2 dans l’atmosphère faut-il, pour ajouter un dixième de degré Celsius à l’équation? Et combien de dixièmes de degré Celsius faut-il pour que la machine climatique ne dérape?
Jusqu’à la révolution industrielle, il y a deux siècles, le niveau de CO2 dans l’atmosphère était demeuré, pendant environ 10 000 ans, aux environs de 275 parties par million. Dans les années 1990, l’essentiel des simulations ont tenté d’évaluer ce qui se passerait si ce chiffre devait doubler —donc, atteindre 550 parties par million. Et c’est pourquoi 550 parties par million (PPM) ont longtemps été considérées comme étant « la » ligne à ne pas franchir.
Sauf qu’au cours des cinq dernières années, les études semblant démontrer que la planète se « déréglait » plus vite que prévu ont convaincu plusieurs que 450 parties serait une limite-à-ne-pas-franchir plus prudente. L’Union européenne, entre autres, a basé ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre sur ces 450. Ne pas la franchir demeure, au moment où vous lisez ces lignes, un objectif réalisable, quoiqu’il s’amenuise de plus en plus, avec chaque nouvelle centrale au charbon.
Donc, si James Hansen a raison, la limite-à-ne-pas-franchir devrait être encore abaissée, à 350 —et nous l’avons franchi depuis 20 ans. Nous sommes actuellement à 385, et ça monte toujours...
« Si nous continuons sur notre lancée, à utiliser des carburants fossiles pour nourrir un appétit croissant pour des modes de vie dévoreurs d’énergie », nous quitterons bientôt le climat de l’Holocène, cette période qui a accompagné les humains depuis la préhistoire, pour entrer dans une nouvelle période, qui « serait probablement une planète presque libre de glaces », écrit-il dans cette étude, qui a d’abord fait l’objet d’une conférence en décembre et est pour l’instant uniquement publiée en ligne.
« Le délai de réponse du climat est certainement plus rapide que la durée de vie des perturbations atmosphériques causées par le CO2 ». Autrement dit : ce que nous envoyons là-haut y restera longtemps, mais la « réaction » de la Terre, elle, pourrait survenir bien plus vite... Sa recommandation : se fixer un objectif de réduction des gaz à effet de serre tel qu’il ramènerait les concentrations de CO2 à 350 PPM, plutôt que de se contenter de viser 450. Pas facile, considérant que même un maximum de 450 reste, pour l’instant, un voeu pieux...