Les premiers protons sont entrés en collision et déjà, ceux et celles qui tentent d’expliquer le qui du pourquoi du comment, en ont perdu leurs moyens. L’instrument le plus difficile à vulgariser de l’univers, le Large Hadron Collider (LHC), a repris du service.

Comme s’il avait du temps à rattraper après 14 mois d’inactivités, l’outil de 27 km de diamètre n’a mis que trois jours à produire ses premières collisions de protons. Les scientifiques ont immédiatement annoncé lundi avec fierté avoir produit des événements-candidats collision, ce qui n’est guère plus clair.

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C’est que les protons ont la fâcheuse tendance à se défiler, et à une vitesse approchant celle de la lumière. On ne « voit » donc pas vraiment deux protons se fracasser, mais on détecte l’énergie dégagée, grâce à l’un des quatre détecteurs géants installés autour de cette piste de course.

L’énergie dégagée est énorme, sans commune mesure avec celle qu’on peut obtenir dans quelque laboratoire de la planète. Et plus on augmente le compteur —car ces collisions ne sont qu’un avant-goût des collisions plus fracassantes à venir— plus on s’enfonce dans les secrets de la matière.

À quoi tout cela sert-il? La réponse la plus courte est que ces physiciens essaient de reconstituer, pendant une minuscule fraction de seconde, des conditions qui n’existaient qu’un milliardième de milliardième de seconde après le Big Bang, de manière à lever le voile sur une partie de la constitution de notre univers.

Ce n’est pas pour rien que le LHC, propriété du CERN de Genève, est « l’expérience » scientifique la plus coûteuse de l’histoire récente (9 milliards$ US), le joujou technologique le plus gros, et l’un des projets internationaux à avoir mobilisé le plus grand nombre de scientifiques dans des dizaines de pays depuis plus de 15 ans.

Ces collisions étaient donc un test pour relancer la machine. L’énergie injectée pour lancer les protons l’un contre l’autre était de 450 milliards d’électron-volts, ce qui a l’air gros, mais n’est que 15 fois moins que l’objectif de 7000 milliards d’électron-volts (7 TeV, pour les intimes). Et si ces chiffres ne vous disent rien, essayez l’explication plus complexe :

La gravité, l’électromagnétisme, la force nucléaire faible, la force nucléaire forte: ce sont les quatre forces qui gouvernent notre univers. Pourraient-elles être quatre variantes d’une même grande force? Même chose avec les quarks, les leptons, les neutrinos, les muons et ces dizaines de particules plus petites que l’atome: quelle unité existe entre elles?

Derrière cette complexité, la physique a toujours recherché l’existence d’une plus grande simplicité. Aujourd'hui, ses hypothèses s’appellent Modèle standard, ou bien supersymétrie, ou bien théorie des cordes... Et pour vérifier ces hypothèses, il y a bien longtemps que la lunette de Galilée ne suffit plus. Il faut un tunnel circulaire de 27 km, doté de 1746 électroaimants supraconducteurs pour contrôler la trajectoire des protons sur cette piste de course, et il faut faire descendre la température à moins 271,3 degrés Celsius, à deux doigts du zéro absolu de l’Univers.

Mais il faut aussi s’arranger pour que la collision entre ces protons produise une énergie phénoménale, qui se mesure en TeV (en anglais, trillions d’électron-volts). Le plus gros accélérateur de particules (avant le LHC), le Tevatron, en Illinois, avait atteint le record de 2 TeV.

Plusieurs physiciens prédisent que 7 TeV correspond au seuil à partir duquel on pourrait détecter des « particules exotiques » (comme un certain boson de Higgs) qui, pour l’instant, n’existent que dans la tête des physiciens... et dans leurs équations. D’autres fixent plutôt ce seuil à 14. En théorie, le LHC pourrait « grimper » jusqu’à 14 TeV... mais pas avant d’avoir poussé le compteur à 7, puis d’être mis en panne pour prendre le temps d’étudier les données.

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