C’est ce qu’il faut conclure de découvertes archéologiques sur l’île de Crête, non loin de la Grèce. Non pas de « simples » artefacts de la brillante civilisation crétoise, vieille de 5000 ans, mais des outils de pierre beaucoup, beaucoup plus vieux, qui ne peuvent qu’avoir été apportés par la mer, puisque cette île s’est séparée du continent des millions d’années plus tôt.
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On n’a pas retrouvé d’ossements qui permettraient d’en savoir plus sur les premiers habitants de cette île. Mais les outils de pierre obligent à repenser les « capacités maritimes » de nos ancêtres : jusqu’ici, les plus anciens artefacts retrouvés sur des îles de la Méditerranée —Crête, Chypre, ou la Sardaigne, au large de l’Italie— n’étaient âgés que de 10 000 à 12 000 ans. Donc, de 12 000 à 130 000, c’est un bond spectaculaire, témoignent les archéologues depuis quelques jours.
Pourtant, les archéologues ne devraient pas être aussi surpris : n’estime-t-on pas que les premiers habitants de l’Australie y ont pris pied il y a 50 à 60 000 ans? Et qu’une partie de cette migration a nécessairement dû se faire par la mer? En effet, pour arriver en Australie en passant par les îles de ce qui s’appelle aujourd’hui l’Indonésie, il fallait franchir, même à l’époque où le niveau des mers était plus bas, au moins 10 bras de mer, dont le plus large faisait 70 km.
En ce qui concerne la Crête, « le fait que nous ayons plusieurs centaines d’outils dans neuf endroits différents suggère qu’un groupe assez large de gens est venu, de manière à soutenir une population suffisante et laisser des traces archéologiques visibles », estime Curtis Runnels, de l’Université de Boston.
Les archéologues —grecs et américains— qui ont fait ces découvertes au cours des deux derniers étés, étaient à la recherche d’artefacts anciens —« anciens » signifiant ici 10 à 12 000 ans. Ils en ont trouvé environ 2000, sur les côtes nord-ouest de l’île, d’abord du type auquel ils s’attendaient, puis d’un type apparemment beaucoup plus vieux. La découverte a été présentée lors du congrès de l’Institut archéologique américain le mois dernier, et devrait paraître en juin dans la revue Hesperia. Peu de gens, en-dehors des découvreurs eux-mêmes, ont donc pu en faire une analyse critique, et certains des commentateurs demeurent, pour cette raison, très prudents.
« Lorsque les chercheurs auront fourni une datation, nous aurons une meilleure compréhension de l’importance de la découverte », relativise par exemple l’archéologue préhistorien Ofer Bar-Yosef, de Harvard.
On estime que nos ancêtres directs, les premiers Homo sapiens, émergent en Afrique il y a environ 200 000 ans. Leurs plus anciennes traces connues en Europe sont vieilles de 50 000 ans. Mais rien n’oblige à croire que ces artefacts ont été laissés par des Homo sapiens. Des Néandertaliens ou, plus anciens encore, des Homo erectus, sont aussi des candidats possibles.