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Lorsque des gens nient l’existence de l’évolution, on a le droit d’en rire. Mais lorsque le déni met un frein à des recherches médicales prometteuses, ou lorsqu’il menace la santé de notre planète? « Le déni doit être combattu », comme l'adversaire qu'il est, affirme l’auteur d’un livre récent intitulé en anglais, tout simplement, Denialism.

Mais pour combattre, encore faut-il s’entendre sur qui est l’adversaire. Et ici, le passage de l’anglais au français complique la chose : le « denialism » se traduit par du déni (c’est-à-dire nier la réalité, en dépit de toutes les preuves) mais comment faut-il appeler la personne qui fait du déni? Un « dénieur »? (ne cherchez pas, ce mot n’existe pas) Un négationniste?

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Chose certaine, il n’est pas un « sceptique », même si les « denialists » énumérés par le journaliste Michael Specter tentent de se maquiller ainsi. Le sceptique, renchérissait il y a trois semaines un dossier spécial du New Scientist, prend une approche scientifique pour distinguer le vrai du faux. Tandis que le déni consiste à s’asseoir sur une position et à n’en plus bouger, en s’activant à détourner le sens des arguments présentés.

Qu'est-ce qui motive le déni? D’abord la peur, explique Specter —journaliste scientifique pour le New Yorker, notamment gagnant d’un prix de journalisme de l’Association américaine pour l’avancement des sciences. Peur du changement, peur de l’inconnu. Or, la science offre plus que sa part de raisons de craindre le changement. Les décès du Vioxx n’auraient-ils pas pu être évités? Et les enfants autistes? Une nourriture sans OGM ni pesticides, pourrons-nous y échapper, avec 9 milliards de bouches à nourrir? Et après les OGM, la biologie synthétique?

Bien sûr, le déni fonctionne mieux avec des célébrités. Entre 1000 scientifiques qui concluent les uns après les autres que la vaccination ne cause pas l’autisme, et un acteur comme Jim Carrey qui dit le contraire, bien des gens choisiront sans hésiter Jim Carrey. Et ce, pour une raison profondément humaine : quand quelqu’un vient dire à des familles éplorées « qu’il y a une solution simple à leurs problèmes, qui ne voudrait pas y croire? » Cela explique aussi bien le succès des anti-vaccinations que celui de l’industrie des produits « naturels », écrit Michael Specter :

Il y a des centaines d’études pour démontrer que les gens qui font de l’exercice régulièrement réduisent leurs risques de maladies cardio-vasculaires d’environ 40%, ainsi que les risques d’hypertension et de diabète... Des études de suppléments vitaminés, toutefois, n’ont jamais produit de résultats similaires.

Les deux camps ont ceci en commun de vouloir débattre rationnellement, mais existe-t-il un type d’argument qui peut les rassembler? Comment débattre quand, à une étude qui conclut à l’absence de lien vaccin-autisme, la vedette de cinéma réplique « Ma science s’appelle Evan et il est chez moi »? Ou quand celui qui réclame légitimement des études plus poussées sur le Vioxx accepte de tout laisser passer dès lors que cela s’appelle « alternatif »?

Leur déni serait-il ébranlé si ses partisans réalisaient à quel point, dans certains cas, ils sont manipulés par de puissants lobbys? D’autres livres ont commencé à creuser cette question ces deux dernières années, dans la foulée du tournant qu’a pris le débat sur le climat, et on aura l’occasion d’en reparler.

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