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L’hypothèse solutréenne refait surface. Si vous n’avez jamais entendu ce mot, en revanche, vous connaissez sûrement le concept: des humains seraient présumément arrivés en Amérique il y a 20 000 ans... par l’Europe.

Les promoteurs de cette hypothèse viennent de publier un livre. Ils y allèguent que des couteaux de pierre trouvés près de la baie de Chesapeake, sur la côte atlantique des États-Unis, sont vieux de 22 000 ans et que la technologie imite celle employée dans le sud de la France et en Espagne à la même époque (appelée solutréenne).

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S’ils ont raison, cela veut dire que ces humains auraient franchi l’Atlantique, en partie à pied, sur la calotte glaciaire qui couvrait encore une partie de l’Atlantique Nord. Et ce seraient eux, plutôt que des Amérindiens arrivés par l’Alaska, qui auraient donné naissance, il y a 13 000 ans, à la «culture de Clovis», celle des plus anciens artefacts nord-américains à faire l’unanimité.

Depuis que «l’hypothèse solutréenne» a été proposée en ces termes par Dennis Stanford en 1999, elle a été accueillie avec le plus grand scepticisme: parcourir des milliers de kilomètres en longeant une calotte glaciaire n’est pas évident, même pour des chasseurs de baleines. De plus, la fenêtre est courte: on n’est même pas sûr qu’un tel pont de glace aurait existé au bon moment, d’un bout à l’autre de l’Atlantique Nord.

Mais dans leur livre Across Atlantic Ice , Dennis Stanford, anthropologue à l’Institut Smithsonian et Bruce Bradley archéologue à l’Université d’Exeter, en Angleterre, affirment avoir une cause plus solide, avec des outils de pierre trouvés sur cinq sites de l’Atlantique, dont deux dans la baie de Chesapeake, tous dans des couches du sol datées de 20 à 25 000 ans. En plus d’un os de mastodonte suspect.

La faiblesse de leur théorie réside toutefois dans le fait que de mettre une date sur «une couche du sol» n’est pas la même chose que de dater l’outil lui-même. C’est ce qui explique qu’ils aient publié leur théorie sous la forme d’un livre de vulgarisation, plutôt que dans une revue scientifique.

Dans leur liste d’outils, il en est un qui retient davantage l’attention en raison des circonstances de sa découverte: un couteau de pierre de 20 centimètres, qui était exposé dans un petit musée de l’île Gwynn, en Virginie, en compagnie d’un fragment de la défense d’un mastodonte, à côté duquel il aurait été repêché il y a 40 ans, à 75 mètres sous l’eau.

L’os est vieux de 22 760 ans. Là où il a été trouvé, le terrain était sec, à cette époque. Or, la pierre ne semblant pas avoir été altérée par l’action des eaux, cela tend à conclure, selon Stanford et Bradley, qu’elle a été enterrée là où les marins l’ont trouvée.

Ce qui est hautement hypothétique, conviennent-ils. L’anthropologue John Hawks —qui y voit une «publicité gratuite» pour le livre— et l’archéologue David Meltzer, parmi d’autres, ont des arguments beaucoup plus solides lorsqu’ils font remarquer que si des Européens avaient peuplé l’Amérique il y a 20 000 ans, les progrès récents dans notre exploration du code génétique permettraient d’en retrouver des traces.

Or, tous les indices génétiques chez les Amérindiens continuent de pointer vers une origine en Sibérie. Tout au plus un furieux débat se poursuit-il quant à savoir s’il y aurait eu deux migrations en provenance d’Asie, ou trois, ou plus.

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