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La Conférence des Nations Unies sur le développement durable ouvre ses portes cette semaine à Rio de Janeiro (Brésil). Vingt ans après le Sommet de la Terre, des milliers de politiciens, participants et militants s’y réunissent de nouveau pour discuter de développement durable et d’environnement.

Jean-Pierre Revéret, expert en développement durable et gestion des ressources naturelles et chercheur au département Stratégie, responsabilité sociale et environnementale à l’École des sciences de la gestion de l’UQÀM explique ce qu’il faut attendre de Rio +20.

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Agence Science-Presse (ASP) — Vous étiez au Sommet de Rio, il y a 20 ans et au Sommet mondial du développement durable de Johannesburg, en 2002. Quelles sont vos attentes pour Rio + 20?

Jean-Pierre Revéret (JPR) — Mes attentes restent modestes. Il y a 20 ans, le Canada avait un rôle de leader auprès des autres États pour qu’ils signent le protocole. Malgré les désillusions et les limites du Rapport Brundtland, il y avait un élan, un effort de préparation et de grandes déclarations. Cet emballement avait un petit côté 1968 : le droit de penser que l’on peut changer les choses! La conférence de Rio, première version, était plus centrée sur l’environnement tandis que le Sommet de Johannesburg témoignait d’un retour sur social. Aujourd’hui, il n’y a plus la même énergie, ni la même foi. Et le Canada devrait remporter un prix fossile pour freiner les discussions comme il le fait. C’est démoralisant.

ASP — Que pensez-vous du thème de la Conférence: L’avenir que nous voulons?

JPR — Beaucoup de pays s’interrogent sur leur avenir et je ne suis pas certain que nous voulions tous le même. Il y a des contradictions importantes entre le libéralisme, la mondialisation et l’environnement durable. Bien qu’il y ait actuellement de nombreuses contestations, jusqu’au sens même des termes «développement durable», ce thème reste porteur avec les avancées des industries moins polluantes et la notion de l’économie verte. L’approche plus technologique, prônée par cette économie, ne risque-t-elle pas de sacrifier la qualité de vie de ceux qui vivent plus au sud? On touche là au vieux rapport nord-sud. Et n’est-ce pas du néocolonialisme vert que d’imposer les vues du nord – ne plus polluer comme avant — et de les faire appliquer au sud? De nombreux grains de sable enrayent la machine. Les ajustements structuraux imposés dans les années 1980 diminuant la place de l’État dans bon nombre de pays du sud ont fait payer le prix fort socialement et même si l’on partage le même bateau, certains vivent en 1re classe et d’autres, restent encore dans la cale.

ASP — Que doit-on penser d’une gouvernance mondiale de l’environnement, avec une instance internationale, dont rêvent certains États?

JPR — Les avis sont partagés. Je connais des experts qui pourraient démontrer les aspects positifs d’une telle gouvernance tandis que d’autres montreraient les côtés négatifs. Je ne suis pas sûr que les pays en voie de développement y gagneraient, car ils font face à de nombreux enjeux locaux qui passeraient sous le tapis des priorités. Contrairement aux changements climatiques —un enjeu mondial impossible à régler par un seul pays et avec des effets à l’échelle de la planète–, de nombreuses problématiques demandent une gouvernance locale. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas collaborer. La coopération donne plus de poids et de dents aux cadres juridiques transfrontaliers et aux ententes internationales.

ASP – Et votre avis sur les coupes dans les subventions aux énergies fossiles, comme le préconisait récemment le Fonds Monétaire International?

JPR — Dans un modèle de libre marché, nous ne devrions pas maintenir ces subventions. Il suffirait de les annoncer fermement et les diminuer progressivement pour permettre une transition. Un peu comme on le fait pour introduire une nouvelle taxation –la taxe de carbone, par exemple. L’objectif n’est pas le même que pour la TPS ou la TVQ –remplir les caisses de l’État–, mais de changer les comportements. Cela donne un signal pour aller dans la bonne direction.

ASP — Le Canada s’est retiré des Accords de Kyoto, qu’est-ce que cela annonce pour la suite des choses?

Il n’y a pas de signal à voulant que le gouvernement revienne sur sa position. Il y aura de petits ajustements de Rio +, mais on n’assistera pas à l’émergence d’un projet de société. Le vrai sommet était celui de Stockholm, en 1972. Il a permis de positionner l’environnement comme un enjeu important : de nombreux pays ont ensuite créé des ministères de l’environnement. Sur les enjeux environnementaux, c’est très inégal: la population saisit l’importance des changements climatiques. Mais qu’en est-il de la biodiversité? C’est un enjeu crucial, pourtant beaucoup de conscientisation et d’éducation reste encore à faire. Les jeunes sont toutefois de mieux en mieux formés à la compréhension de ces enjeux. Mon souhait serait que l’on en parle encore plus d’environnement. Il y a un travail à long terme à faire au niveau des institutions scolaires et autres. Lorsque cela sera intégré, ce sera un sujet devenu banal et on n’en parlera plus!

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