dreamstime_xs_18932479.jpg
La compagnie Les Grands Ballets Canadiens expérimente un nouveau pas de deux avec le milieu de la santé. La célèbre troupe canadienne lance le Centre national de danse-thérapie qui prendra corps à Montréal, en plein Quartier des spectacles.

Annoncé à l’occasion de l’événement Québec Danse et de la Semaine Canadienne de la danse, cet établissement combinera danse et mieux-être, formation de danse-thérapeutes, mais aussi des projets de recherche clinique. Son directeur, Christian Sénéchal, soulève un coin du rideau.

Abonnez-vous à notre infolettre!

Pour ne rien rater de l'actualité scientifique et tout savoir sur nos efforts pour lutter contre les fausses nouvelles et la désinformation!

Agence Science-Presse (ASP) — Quels sont les bienfaits de la danse?

Christian Sénéchal (CS) — La danse est mouvement, mais ici, nous ne parlons pas de faire des claquettes ou du ballet avec des patients, mais plutôt de la « thérapie par le mouvement ». Ce mouvement peut être aussi simple que des exercices par la respiration ou des postures. Ils apportent du bien-être à des gens atteints de différentes pathologies ou de douleurs. Il n’y a pas de recette unique ou de formule magique : il faut adapter la séance de danse-thérapie à ceux qui font cette démarche. J’ai assisté, à New York, à un atelier de danse-thérapie. La thérapeute qui donnait le cours nous a mis en garde : « les techniques, ce n’est pas une fin en soi. Il s’agit plutôt de comprendre qui est notre interlocuteur et ses besoins propres ». Il peut s’agir d’un complément aux soins en intégrant la danse au traitement global de l’individu.

ASP – Bien que les premières formations et les projets de recherche débutent cet automne, le centre-thérapie des Grands Ballets Canadiens n’ouvrira ses portes qu’en juin 2015. Pourquoi en avoir fait l’annonce maintenant?

CS — Cette annonce s’inscrit dans le thème de la Semaine canadienne de la danse qui allie la danse et la santé dans son manifeste. « La danse contribue au mieux-être de la communauté […] Elle mobilise tout le corps, elle engage l’esprit […], elle est par essence ce qui nous fait nous sentir vivants ». Avec le déménagement prévu en 2015, et la nouvelle construction au sein du Quartier des spectacles, c’était l’occasion de repenser la danse que l’on fait et de bonifier la mission des Grands Ballets Canadiens. Nous sommes arrivés à la conclusion que la raison d’être de la troupe ne doit pas juste répondre à un divertissement de luxe, mais aussi promouvoir le mieux-être général. Nous offrirons des cours de danse et de bien-être pour le grand public, de la danse-thérapie et des formations professionnelles. La mission principale restera la création. Nous allons glisser de l’art dans le domaine de la santé et rehausser la danse pour en faire plus que la représentation.

ASP — À quoi ressemble une séance de danse-thérapie?

CS — Il y a beaucoup d’utilisation de mouvements rythmiques. On peut se mettre en cercle et se mettre à produire des rythmes et modifier sa respiration. Cela est très utile pour se sentir ensemble et rechercher au début la cohésion du groupe. Le premier bienfait de la danse est d’ailleurs la socialisation. Par contre, lorsqu’on travaille avec des jeunes filles en dépression, on élimine ce cercle humain et même les miroirs habituellement présents dans les studios de danse. Alors que les jeunes filles se placent naturellement face au mur, on va travailler plutôt la respiration. Cela va leur prendre de nombreuses séances pour être capables de partager ensemble ce moment de détente. La séance sera différente lorsqu’il s’agira d’une réadaptation, d’un mal d’épaule par exemple. On va plutôt essayer d’identifier le mal, de le circonscrire et d’apprendre à utiliser l’épaule différemment, pour éliminer la douleur.

ASP — Ce que vous allez d’abord offrir est une formation universitaire de cycle supérieur en danse-thérapie à automne, n'est-ce pas?

CS — Il n’existe pas ici de formation accréditée. La voie classique est de suivre une maîtrise en danse-thérapie à l’Association américaine de danse-thérapie, aux États-Unis. C’est pourquoi nous voulons développer une voie alternative en posant des jalons de cet enseignement au Québec, en collaboration avec cette institution. Ce sera un enseignement qui proposera des crédits en psychologie du développement, en kinésiologie, etc. Une formation clinique sera aussi offerte aux personnes qui possèdent plus de 5 ans de formation en danse. Cela pourra être une 2e carrière pour des danseurs professionnels, par exemple. La première cohorte est attendue pour l’automne et sera diplômée en juillet 2014.

ASP — Parlez-nous de votre premier projet avec l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal et des projets cliniques suivants…

CS — Notre premier projet, qui démarre à l’automne, avec Louis Bherer, directeur du Laboratoire d’étude de la santé cognitive des aînés suivra l’activité physique d’un groupe d’aînés durant trois ans. Par la danse, une activité ludique, les chercheurs espèrent réussir à augmenter la rétention des personnes vieillissantes au sein d’une activité qui les fait bouger. Ils vont aussi observer les effets de la danse-thérapie sur la condition physique des aînés, sur leur mémoire et leurs habiletés cognitives. Quelle est la plus-value de la danse? Est-elle capable de freiner la dégénérescence liée à l’âge? La chorégraphie, les mouvements et le rythme occasionnent un bon stress pour le cerveau en l’obligeant à rester actif. Notre prochain projet se fera avec le Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine auprès de jeunes filles souffrant de troubles alimentaires. Nous démarrerons aussi bientôt d’autres projets avec le CHUM ou le centre PERFORM de l’Université Concordia. Il est important pour nous de bonifier la recherche quantitative, et non seulement qualitative, en obtenant des données physiologiques des bienfaits de la danse sur la santé.

ASP — Qu’est-ce qui vous distinguera des autres centres de danse-thérapie?

CS — Notre distinction sera d’intégrer trois fonctions : la danse-thérapie, la formation et la recherche clinique. Pour offrir un service, il faut former les gens, mais il faut également qu’il repose sur des données cliniques pour donner des lettres de noblesse à cette discipline. La danse, c’est moins invasif que le médicament. C’est une autre façon de soigner, plus holistique et à la portée de tous. Les hôpitaux veulent humaniser les soins. La danse, c’est le social qui manque au traitement. C’est de l’humain.

Je donne